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Débats du Sénat (Hansard)

Débats du Sénat (hansard)

1re Session, 36e Législature,
Volume 137, Numéro 31

Le vendredi 12 décembre 1997
L'honorable Gildas L. Molgat, Président


LE SÉNAT

Le vendredi 12 décembre 1997

La séance est ouverte à 10 heures, le Président étant au fauteuil.

Prière.

[Traduction]

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, bonjour. Hier soir, nous sommes convenus de reporter à ce matin l'examen des motions d'ajournement afin de débattre de questions urgentes d'intérêt public. Je vous avais signalé qu'il restait six motions inscrites aux noms des sénateurs Phillips, Forrestall, Ghitter, Cohen, Tkachuk et Oliver.

Depuis, j'ai reçu six autres demandes, aux noms des sénateurs Di Nino, Cohen, Oliver, Stratton, Tkachuk et LeBreton. Certaines portent sur le même sujet et c'est pourquoi, conformément au Règlement, elles seront groupées. Nous les étudierons de cette façon.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, nous avons fait beaucoup de travail depuis la séance d'hier soir. Je crois savoir qu'une entente a été conclue avec l'autre côté. Elle prévoit que nous suivrons le déroulement normal des travaux en commençant par les articles inscrits en tête de l'ordre du jour, sous réserve que dans l'éventualité où une entente finale se révélerait impossible, nous reviendrons à l'étape que vient de décrire le Président.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, d'après ce que j'ai compris, l'entente que j'ai conclue avec le leader adjoint du gouvernement au Sénat prévoit que la motion d'ajournement d'aujourd'hui portera que le Sénat s'ajournera à 14 heures, mardi, sinon à une heure à déterminer, lundi. L'étude des avis auxquels le Président a fait référence sera suspendue jusqu'à notre retour, lundi ou mardi.

L'étude de la motion d'attribution de temps sera également reportée jusqu'à ce moment-là.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, puis-je poser une question aux deux leaders adjoints?

Comme les sénateurs le savent, j'ai soulevé certaines questions de privilège. Je voudrais qu'on me confirme que leur étude sera, pour reprendre le terme employé par le sénateur Kinsella, «suspendue» jusqu'à lundi ou mardi.

Le sénateur Carstairs: Je comprends la susceptibilité du sénateur Tkachuk à ce sujet car il existe certaines règles en ce qui concerne les questions de privilège. Je lui confirme que l'étude de ces questions sera elle aussi reportée.

Le sénateur Bonnell: Est-elle suspendue?

Le sénateur Gigantès: Indéfiniment.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, nous procéderons ce matin en commençant par les déclarations de sénateurs, puis en continuant avec les questions inscrites au Feuilleton comme à l'ordinaire.

À notre retour, quel que soit le jour, le premier point à l'ordre du jour sera, sauf entente contraire, l'étude des six avis qui me restent depuis hier et des six autres qui m'arrivent aujourd'hui, portant sur des motions demandant la tenue de débats d'urgence sur des questions d'intérêt public. Les deux questions de privilège seront examinées dans l'ordre habituel à la prochaine séance. En outre, la motion de clôture du débat sur le projet C-2 ne sera pas examinée tant qu'il n'y aura pas d'entente à ce sujet.

Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.


DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS

Le caucus vert du Sénat

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, le caucus vert du Sénat tiendra le 17 décembre à 14 heures sa première réunion dans la salle de la Nouvelle-Zélande, qui se trouve à côté du restaurant du Parlement, dans l'édifice du Centre. Tous les sénateurs intéressés y sont cordialement invités.

Les peuples autochtones

L'importance de l'histoire orale dans la négociation de traités

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, hier, la Cour suprême du Canada a créé un précédent historique quand elle a statué que les descriptions orales du contexte historique sont des éléments de preuve recevables dans des procédures devant la Cour suprême et les autres tribunaux.

(1010)

Il convient de noter que le comité sénatorial permanent des peuples autochtones avait lui aussi permis de tenir compte de l'histoire orale. C'est sur la base de l'histoire orale que le comité a rédigé son rapport. La Cour suprême vient d'entériner la procédure suivie par notre comité.

Nous espérons que cela facilitera la poursuite des négociations entre les communautés autochtones et le gouvernement du Canada et donnera lieu à un meilleur partenariat entre les deux parties.

Les Nations Unies

La Déclaration universelle de droits de l'homme

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, j'interviens pour traiter de l'article 29 de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Je n'ai malheureusement pas pu aborder ce sujet mardi dernier. Je veux avant tout rendre hommage au sénateur Jerry Grafstein qui, en éminent parlementaire, a présenté une initiative qui, selon moi, rendra service non seulement au Sénat, mais au Parlement et au pays tout entier.

Le premier paragraphe de l'article 29 de la Déclaration universelle des droits de l'homme dispose que:

L'individu a des devoirs envers la communauté dans laquelle seul le libre et plein développement de sa personnalité est possible.

L'article 29 nous rappelle que les droits s'accompagnent d'obligations. Il nous rappelle que chacun de nous a des devoirs envers la communauté. Il y a un demi-siècle, les auteurs de ce texte n'auraient jamais pu imaginer le monde où nous vivons aujourd'hui; un monde où les substances qui émanent d'un continent contribuent aux problèmes de santé dans un autre; un monde où la destruction des forêts et l'émission industrielle de gaz à effet de serre dans une partie de la planète peuvent affecter le climat mondial. Aujourd'hui, nous réalisons plus que jamais que nous habitons un village global, que notre collectivité s'étend bien au-delà des villes, des régions et des pays. Notre devoir envers la communauté n'est rien de moins que celui de protéger l'environnement d'un pôle à l'autre.

Nous commençons à comprendre qu'il est urgent de prendre soin de notre communauté mondiale, de protéger la couche d'ozone, de libérer les routes et les champs du fléau des mines terrestres, de contrôler les changements climatiques et de protéger nos fôrets et les richesses de nos océans. Le Protocole de Montréal relatif à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone et la Convention internationale interdisant les mines antipersonnel sont d'excellents exemples de ce qui peut être réalisé lorsqu'on respecte les droits de la personne et la santé des gens.

Aujourd'hui, l'article 29 est un rappel judicieux du fait que la dignité et les droits de tous les membres de la famille humaine peuvent être sauvegardés si nous assumons notre devoir envers la communauté mondiale. En acceptant cette responsabilité, nous préviendrons la tragédie pour la collectivité.

Le cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, je voudrais moi aussi parler des droits de la personne.

Je le fais à l'occasion du cinquantenaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Cette déclaration a amélioré les libertés des gens du monde entier. Je parle non seulement des libertés fondamentales, comme la liberté de religion et l'expression politique, mais également d'autres libertés comme celles de l'expression culturelle.

Les artistes sont les vestales de la culture d'une nation. Cette déclaration défend leur droit à s'exprimer dans des romans, des photographies, des chansons, des pièces de théâtre, des films et de la poésie. Dans de nombreux États totalitaires, les artistes sont les premières victimes de la répression. Les artistes méritent la plus grande protection des peuples civilisés du monde entier. Il est donc important que nous continuions de nous plier à cette déclaration et à l'appuyer entièrement.

Nous pourrions également prendre un instant pour réfléchir à l'article 27 qui protège non seulement l'expression artistique, mais le droit d'auteur également. Ce droit reconnaît que les oeuvres artistiques appartiennent à leurs créateurs. Le paragraphe 27(2) de la déclaration touche à la question du droit d'auteur lorsqu'il dit:

Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l'auteur.

C'est particulièrement important pour nous, en tant que législateurs, étant donné que le nouveau monde de l'autoroute de l'information menace le principe du droit d'auteur. Dans ce pays, les auteurs mènent une campagne juridique dynamique pour veiller à ce qu'on ne s'approprie pas sans permission leur priorité morale ou intellectuelle. Si les auteurs perdent cette campagne pour le droit d'auteur, cela aura des effets néfastes sur des principes qui ont été établis par cette déclaration même il y a presque 50 ans.

Honorables sénateurs, le Canada est un chef de file dans la campagne pour protéger les droits de l'homme, mais malheureusement, il y a encore de nombreux pays du monde qui se qualifient de civilisés mais qui foulent aux pieds ces mêmes droits. Cela me saute aux yeux sans cesse lorsque j'assiste à des réunions d'écrivains comme le dix-huitième festival annuel Harbourfront, à Toronto. Chaque année, des auteurs ne peuvent y assister parce qu'ils ont été arrêtés par des gouvernements dictatoriaux et emprisonnés pour leurs croyances. Dans certains cas, on réduit ces auteurs au silence à jamais comme dans le cas du célèbre auteur Ken Saro-Wiwa qui a été exécuté l'année dernière malgré les vives protestations des écrivains du monde entier.

À Harbourfront, j'ai été touchée par la présence de la chaise vide sur l'estrade placée là pour honorer les artistes du monde entier qui ne peuvent être présents parce qu'ils sont emprisonnés pour avoir exprimé leurs croyances.

Faisons-nous les champions de la Déclaration universelle des droits de l'homme et travaillons pour parvenir au jour où ces artistes pourront venir s'asseoir dans la chaise que nous leur réservons.

Les travaux du Sénat

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, j'attire l'attention du sénateur Tkachuk sur un paragraphe du Règlement puisque nous avons convenu de «suspendre» l'étude de sa question de privilège, pour reprendre le terme qui a été employé. J'attire donc son attention sur le paragraphe 43(7) du Règlement du Sénat, page 50, qui l'oblige à donner un avis oral de sa motion. Si cette disposition n'est pas respectée, je pourrai difficilement déclarer sa motion recevable même si l'avis a été donné par écrit. Le Règlement prévoit un avis oral.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Honorables sénateurs, avant que le sénateur Tkachuk ne réponde, pouvons-nous convenir à l'unanimité de suspendre l'application de ce paragraphe du Règlement, compte tenu des circonstances qui ont été à l'origine de la question de privilège? Le sénateur Tkachuk pourrait ainsi prendre la parole aujourd'hui s'il le désirait.

L'honorable David Tkachuk: Honorables sénateurs, j'avais cru comprendre que l'application de cette disposition serait supendue. Je comprends aussi que j'ai failli compromettre cette question de privilège et cela, bien malgré moi. Comme le Président et d'autres sénateurs pourraient s'objecter à ce que je la soulève - ce que j'aimerais bien faire -, je vais attendre de voir comment les choses vont tourner ici. Franchement, je suis un peu embrouillé.

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, c'est justement pour cette raison que j'ai cité le Règlement lorsque j'ai présenté ma dernière déclaration. Je reconnais que la question de privilège du sénateur Tkachuk risque d'être compromise parce qu'elle doit être soulevée à la première occasion. Nous estimons de ce côté-ci que la première occasion sera la prochaine séance du Sénat.

Le sénateur Tkachuk: Même s'il y a eu entente, ce qui m'inquiète, c'est qu'un autre sénateur conteste mon droit de la soulever. S'il faut donner un avis oral, est-ce que cela suffit de lire la lettre que j'ai fait parvenir au greffier?

Son Honneur le Président: Si le Sénat consent unanimement à ce que toutes les affaires relevant de la question de privilège soient suspendues en rapport avec l'affaire que le sénateur Tkachuk m'a dit vouloir soulever, il n'y a pas de problème.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je suis dans la même situation que le sénateur Tkachuk, car j'ai moi aussi soulevé une question de privilège. Toutefois, l'entente que nous avons me satisfait pleinement.

Je remercie Votre Honneur de citer l'article du Règlement, mais je crois que nous avons convenu de suspendre son application.

Son Honneur le Président: Est-ce d'accord pour que, à l'égard des deux questions de privilège dont nous sommes saisis, l'application de toutes les dispositions du Règlement en matière de question de privilège soit suspendue?

Des voix: D'accord.


[Français]

AFFAIRES COURANTES

La Loi sur la marine marchande du Canada

Projet de loi modificatif-Rapport du comité

L'honorable Lise Bacon: Honorables sénateurs, j'ai l'honneur de présenter le quatrième rapport du comité sénatorial permanent des transports et des communications portant sur le projet de loi S-4, Loi modifiant la Loi sur la marine marchande du Canada (responsabilité en matière maritime).

Je demande que le rapport soit imprimé en annexe aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.

(Le texte du rapport figure aux Journaux du Sénat d'aujourd'hui.)

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand étudierons-nous ce rapport?

(Sur la motion du sénateur Bacon, l'étude du rapport est inscrite à l'ordre du jour de la prochaine séance.)

[Traduction]

(1020)

L'ajournement

L'honorable Sharon Carstairs (leader adjoint du gouvernement): Honorables sénateurs, avec la permission du Sénat et nonobstant l'alinéa 58(1)h) du Règlement, je propose, appuyée par le sénateur Gigantès:

Que, lorsque le Sénat s'ajournera aujourd'hui, ce soit à lundi prochain, le 15 décembre 1997, à 14 heures.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

La fondation Famous Five

Avis de motion visant à commémorer les événements en élevant une statue sur la colline du Parlement

L'honorable Joyce Fairbairn: Honorables sénateurs, je donne avis que lundi prochain je proposerai: Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait prendre en considération la demande de la fondation Famous Five d'honorer la mémoire de Emily Murphy, Nellie McClung, Mary Irene Parlby, Louise McKinney et Henrietta Muir Edwards - les «Famous Five» - en permettant de commémorer celles-ci par l'installation d'une statue sur la Colline Parlementaire.

PÉRIODE DES QUESTIONS

La défense nationale

Le programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-La possibilité de ressusciter l'accord de prêt-bail de la Deuxième Guerre mondiale avec les États-Unis-La position du gouvernement

L'honorable Orville H. Phillips: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. La saison des tempêtes approche dans l'Atlantique Nord alors que normalement nos hélicoptères sont cloués au sol et peu sûrs pour les équipages. Il nous arrive de nous demander s'ils sont assez sûrs pour ceux qu'on essaie de secourir.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, le Canada avait avec les États-Unis un accord de prêt-bail pour l'acquisition d'avions. Le gouvernement pourrait-il envisager de ressusciter cet accord et obtenir que des hélicoptères opérationnels nous soient donnés, prêtés ou loués afin que nous puissions continuer à assumer nos responsabilités et réaliser les opérations de recherche et de sauvetage qui seront sûrement nécessaires?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): C'est une suggestion très intéressante d'un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale qui en sait plus long que moi sur ces questions. Cette question des opérations de recherche et sauvetage nous préoccupe, et je ne peux que demander une fois de plus à mon honorable collègue - je regrette d'avoir à le faire - de se montrer patient, parce que je crois que la décision ne tardera plus. Je porterai certainement la décision de mon collègue à l'attention des responsables.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, je signale au leader du gouvernement au Sénat que nous, de notre côté, avons été très patients. Nous attendons depuis des années l'annonce de l'achat de nouveaux hélicoptères. Je lui rappelle cependant qu'on n'achète pas ces hélicoptères chez Canadian Tire. Il faudra du temps pour les construire et les livrer.

Le sénateur Graham: Je considère qu'il s'agit-là d'un simple commentaire et je ne répondrai donc pas. Toutefois, je transmettrai les préoccupations du sénateur aux ministres compétents.

Les finances

La lettre du ministre-Demande de renseignements

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, j'ai une question à adresser au leader du gouvernement au Sénat. J'ai l'impression que les sénateurs d'en face ont reçu une lettre du ministre des Finances concernant des choses qui se sont passées hier soir. Les sénateurs de ce côté-ci, et moi pour commencer, ignorent cette lettre et son contenu. Le leader du gouvernement peut-il nous transmettre les informations qu'elle contient?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Oui, je serais heureux de le faire, avec la permission du chef de l'opposition bien entendu. Si je ne m'abuse, la lettre était adressée au chef de l'opposition.

L'honorable John Lynch-Staunton (chef de l'opposition): Il ne s'agit pas d'un rappel au Règlement, mais je m'oppose à ce que ma correspondance avec quiconque soit abordée à la Chambre par quelqu'un qui n'en a même pas obtenu copie.

Le sénateur Corbin: Le rappel au Règlement n'est pas fondé.

Le sénateur Lynch-Staunton: D'accord, mais je m'y oppose néanmoins.

Le sénateur Corbin: C'est peut-être embarrassant, mais ce n'est pas un rappel au Règlement.

Le sénateur Lynch-Staunton: Cela n'a rien d'embarrassant. Il reste qu'il n'appartient pas à l'honorable sénateur Kenny de parler de ma lettre.

Le défense nationale

Le Programme de remplacement des hélicoptères de recherche et de sauvetage-L'octroi du marché pour l'achat d'hélicoptères-La position du gouvernement

L'honorable J. Michael Forrestall: Honorables sénateurs, je voudrais souligner le caractère urgent de la question qu'a posée le sénateur Phillips et informer nos collègues que, selon les statistiques de la dernière année pour laquelle nous avons des statistiques complètes, quelque 4 999 missions de recherche et de sauvetage ont été effectuées au Canada. Ces missions de recherche et de sauvetage ont permis de sauver en tout 1 517 vies. Les pertes de vie s'élèvent à 161. Toute personne bien renseignée vous dira que, dans moins de deux ans, il se pourrait que les résultats soient inversés si on tarde trop à remplacer les hélicoptères Labrador et Sea King. La solution la plus rapide serait de trouver un autre type d'appareil selon une formule comme celle que le sénateur Phillips a proposée il y a quelques instants.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je prends très au sérieux les suggestions du sénateur Phillips, que le sénateur Forrestall a réitérées et renforcées. Je compte d'ailleurs présenter des instances à cet égard.

L'énergie

Les projets gaziers de l'île de Sable-Le prolongement du gazoduc proposé dans d'autres régions des provinces maritimes-La position du gouvernement

L'honorable Eymard G. Corbin: Ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a quelques jours, le sénateur Simard a soulevé le cas des soumissionnaires TransMaritime Pipeline et North Atlantic Pipeline Partners, qui en ont appelé des conclusions d'un groupe d'étude fédéral-provincial auprès de la Cour fédérale. Cet appel a été rejeté dans une décision laconique d'une phrase. Le leader du gouvernement au Sénat n'est pas tenu de me citer les autorités concernant la façon de faire qui a mené à la décision environnementale.

Il y a cependant une chose sur laquelle je voudrais attirer son attention si nous voulons que notre pays soit uni d'un océan à l'autre. Au fil des ans, on a élaboré plusieurs projets de construction d'un gazoduc transcanadien qui relierait toutes les provinces. Pour des raisons que je ne suis pas en mesure de bien comprendre, il y a eu des retards, des annulations, l'abandon de projets, et ainsi de suite.

Avec la découverte de gaz dans l'île de Sable, nous avons pour la première fois une ressource gazière précieuse sur le littoral est. Les autres régions de l'Est du Canada voudraient être branchées à cette ressource.

(1030)

Je connais la façon de procéder; cependant, ce qui me préoccupe, ce sont l'unité nationale et l'intérêt national. Le Cabinet fédéral rendra une décision sous peu à ce sujet. Le sénateur Simard présume qu'elle sera rendue pendant l'ajournement des Fêtes.

Le sénateur Oliver: Y a-t-il une question?

Le sénateur Corbin: J'en appelle seulement...

Le sénateur Stratton: Y a-t-il une question?

Le sénateur Corbin: Si les honorables sénateurs veulent bien être patients, j'estime ne pas abuser davantage du système que mes collègues d'en face. Veuillez patienter un instant.

Le sénateur Lynch-Staunton: Vous l'avez fait une fois. Je suis heureux que vous ayez retenu quelque chose de cette expérience.

Le sénateur Corbin: Je devrais peut-être me joindre à vous et ajouter mon propre avis de motion concernant un débat d'urgence nationale.

Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une excellente idée.

Le sénateur Corbin: De toute façon, je fais appel à votre patience. Je crois que vous conviendrez de l'importance nationale de ma question.

Le leader du gouvernement au Sénat peut-il me dire si, avant de rendre une décision finale sur ce dossier, le Cabinet fédéral compte faire une déclaration selon laquelle un gazoduc sera installé, dans un délai raisonnable, afin de relier les provinces qui n'ont pas accès aux ressources de gaz naturel appartenant à des intérêts canadiens, et de donner une chance égale à tous les Canadiens, en particulier ceux des provinces dites moins bien nanties?

Je me réjouis pour les Canadiens de la Nouvelle-Écosse et pour ceux du sud du Nouveau-Brunswick, région qui semble toujours bénéficier de projets de développement. Cependant, d'autres régions sont irrémédiablement laissées pour compte. Bref, le gouvernement devrait donner une chance à ces régions. La seule solution consiste à garantir que le gaz se rende dans toutes les régions du Canada. Autrement, on peut vraiment oublier les programmes de développement régional.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je comprends les inquiétudes de l'honorable sénateur. Il faut espérer que, en ce qui concerne l'exploitation du gisement de gaz de l'île de Sable et des autres gisements qui pourraient être découverts dans les Maritimes, des mesures appropriées seront prises pour en faire bénéficier tous les Canadiens - pas seulement ceux de l'Atlantique ou des Maritimes.

Les affaires indiennes et le Nord canadien

L'Accord international sur les normes de piégeage sans cruauté-Programme d'adaptation pour l'industrie-Position du gouvernement

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, la semaine dernière, alors que tous se préoccupaient de la convention historique interdisant les mines antipersonnel, la signature d'un autre accord d'inspiration semblable a été retardée à Ottawa. Les pays de l'Union européenne, le Canada et la Russie devaient signer l'Accord international sur les normes de piégeage sans cruauté, par lequel le Canada s'engage à réglementer les pièges et à soutenir la recherche pour concevoir des pièges encore moins cruels.

La signature doit maintenant avoir lieu à Bruxelles avant la nouvelle année. Cependant, les 26 Premières nations du nord du Manitoba et des peuples autochtones d'autres régions de notre pays sont encore très préoccupés par cet accord. Le coût du remplacement des pièges au Canada se situerait selon les estimations entre 50 et 80 millions de dollars, mais l'accord ne prévoit aucun programme d'aide à l'adaptation.

Le gouvernement a débloqué 350 000 $ pour renforcer la contribution de 450 000 $ que l'industrie de la fourrure fait à la recherche, mais rien n'est prévu pour aider les piégeurs à remplacer leur matériel. Les Premières nations craignent que l'accord ne leur fasse perdre leurs moyens de subsistance et que les fourrures d'animaux sauvages ne soient remplacées par celles des élevages.

Le gouvernement envisage-t-il de proposer un programme d'adaptation pour aider les piégeurs à respecter les règles qui leur seront imposées et pour préserver le mode de vie et l'industrie des autochtones qui habitent dans le Nord?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le sénateur Spivak vient de soulever une autre question importante qui doit nous préoccuper tous. Je vais me renseigner pour voir s'il existe ou si on envisage un programme d'adaptation. Je communiquerai cette information au sénateur dans les meilleurs délais.

Les transports

Le projet de déménagement du bureau central de Marine Atlantique situé à Moncton, au Nouveau-Brunswick-L'annonce de la décision-La position du gouvernement

L'honorable Donald H. Oliver: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat, qui est aussi le représentant politique de la Nouvelle-Écosse. Je lui en ai déjà donné préavis.

Ma question concerne Marine Atlantique. Lorsque le ministre des Transports, l'honorable David Collenette, a comparu devant le comité sénatorial permanent des transports et des communications, le 2 décembre, il a dit qu'il voulait prendre le temps d'étudier à fond le dossier de Marine Atlantique. Il a dit ceci:

Comme ce débat suscite beaucoup d'intérêt, nous ne voulons pas précipiter les choses. Nous allons peut-être accorder encore du temps pour les représentations. Nous pourrons ainsi prendre une décision plus éclairée.

Le ministre peut-il nous dire quand nous pouvons attendre la décision concernant le transfert du bureau central de Marine Atlantique de Moncton vers la Nouvelle-Écosse?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'honorable sénateur présume que le bureau central de Marine Atlantique, qui est actuellement situé à Moncton, sera transféré en Nouvelle-Écosse. J'espère qu'il a raison. Je sais que des pourparlers sont en cours. Je me suis personnellement entretenu de cette question avec le ministre à plusieurs occasions. J'imagine que la décision sera prise au début de la nouvelle année.

L'honorable Bill Rompkey: Honorables sénateurs, j'ai une question complémentaire à poser.

Compte tenu du fait que Marine Atlantique desservira presque uniquement Terre-Neuve et le Labrador - parce que son mandat a été modifié radicalement et que les gens qu'elle dessert se trouvent presque exclusivement dans cette province - a-t-on déjà envisagé de déménager le bureau central de Marine Atlantique à Terre-Neuve ou au Labrador?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je suis certain que cette idée a été prise en considération. Évidemment, la responsabilité de cette décision incombe directement au ministre des Transports.

Le sénateur Forrestall: Une autre de perdue.

Le sénateur Graham: Je sais que le ministre des Transports tient à ce que toutes ses décisions soient justes et transparentes et nous attendons avec impatience ces décisions qui devraient être prises, je le répète, au début du nouvel an, du moins nous l'espérons.

Le sénateur Oliver: Honorables sénateurs, le ministre n'est pas sans savoir qu'il y a aussi une question de mises à pied associée au déménagement envisagé. Il n'y a pas que le déplacement des emplois et le déménagement du siège social de Moncton à la Nouvelle-Écosse qui nous préoccupent, mais également les mises à pied potentielles à Sydney-Nord. Le ministre peut-il nous donner l'assurance qu'aucun travailleur de Sydney-Nord ne sera mis à pied au cours des prochains mois et que les emplois de cette région demeureront dans cette région et qu'il fera l'impossible pour veiller à ce que certains des nouveaux emplois provenant de Moncton soient transférés à Sydney-Nord?

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, je n'en suis pas sûr. En réponse à la dernière suggestion du sénateur, je peux l'assurer que je ferai l'impossible pour veiller à ce que les emplois demeurent à Sydney-Nord. Je sais que des négociations sont en cours avec les syndicats concernés et les travailleurs directement touchés. Mon honorable collègue a fait valoir son point de vue et a également énoncé publiquement, je crois, ses préoccupations à ce sujet.

Nous vivons dans un pays où nous voulons tous nous montrer justes. Il y a des emplois au Nouveau-Brunswick; il y a des emplois en Nouvelle-Écosse; il y a des emplois, comme le faisait observer le sénateur Rompkey, à Terre-Neuve. Le ministre des Transports voudra sûrement, je le répète, trouver une solution juste et équitable envers tous.

La Défense nationale

Le Manitoba-L'écrasement d'un avion de Sowind Air à Little Grand Rapids-L'intervention de l'équipe de secours-La disponibilité de l'équipement nécessaire-Demande de déclaration du ministère

L'honorable Terry Stratton: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat.

Comme tous les honorables sénateurs le savent, un terrible écrasement d'avion s'est produit il y a quelques jours à Little Grand Rapids, au Manitoba, qui a coûté la vie à quatre personnes dont un enfant de six ans.

Il avait semblé à ce moment-là que tout avait été fait pour tâcher d'aller là-bas pour secourir les personnes gravement blessées. Or, le gouvernement et la Défense nationale ont été mis dans l'embarras quand on a appris qu'un journal de Winnipeg, le Winnipeg Sun, avait réussi à y faire atterrir un hélicoptère avant les forces armées pour secourir les blessés.

(1040)

Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il tâcher de savoir pourquoi cela s'est produit? Le ministère de la Défense subit déjà assez de coups durs sans avoir besoin d'un autre sujet d'embarras. On constate en l'occurrence qu'un hélicoptère privé a porté secours aux blessés alors que la Défense nationale restait à ne rien faire. Voilà la perception.

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, l'écrasement d'avion au Manitoba est un accident tragique. Nous sympathisons avec les victimes et avec leurs familles.

Il est clairement inexact de dire que la Défense nationale est restée à ne rien faire. On a assisté à des efforts héroïques de la part des membres de la collectivité locale, de la part du pilote de l'hélicoptère nolisé de Winnipeg et de la part des membres des forces canadiennes qui ont secouru les victimes et les ont évacuées en lieu sûr.

C'est surtout le mauvais temps qui a gêné les efforts de tout le monde. D'après ce que je crois comprendre, l'hélicoptère nolisé par le Winnipeg Sun a profité d'une éclaircie momentanée pour se poser. Mon honorable collègue, qui voyage souvent en avion, sait que cela arrive. L'équipage de l'hélicoptère s'est trouvé au bon endroit au bon moment.

Les responsables aurait bien aimé arriver sur les lieux de l'écrasement plus tôt, mais quand on monte une opération de sauvetage ou toute autre opération du genre, il faut garantir la sécurité du personnel. Pareilles décisions se fondent sur des années d'expérience.

Honorables sénateurs, je voudrais quand même affirmer catégoriquement que, comme toujours, les forces canadiennes ont fait tout ce qu'elles pouvaient. En fin de compte, je crois que nos gens ont dégagé neuf des victimes de l'écrasement et que, comme d'habitude, ils ont fait un travail superbe.

Le sénateur Stratton: Honorables sénateurs, je me cherche pas à mettre les forces canadiennes dans l'embarras. Je fais simplement part à mon ami de la façon font le public perçoit les choses. C'est tout ce qui me préoccupe. On devrait mettre le public au courant de ce qui est arrivé, et je ne crois pas que cela ait été fait jusqu'ici. Je vais prendre le parti de la Défense nationale autant que le leader du gouvernement. Je crois cependant qu'il existe un problème de perception dans le cas qui nous occupe.

Le sénateur Graham: Peut-être l'honorable sénateur Stratton et l'honorable sénateur Johnson auront-ils des questions complémentaires à poser. Peut-être pourrions-nous demander au ministère de la Défense nationale de présenter un exposé complet, de faire un examen rétrospectif des faits, pour que le public puisse comprendre tout ce qui entrait en ligne de compte lors de l'incident.

L'honorable Janis Johnson: Honorables sénateurs, comme question complémentaire, j'aimerais demander au leader du gouvernement au Sénat de vérifier pour quelle raison nous ne disposons pas de l'équipement nécessaire pour intervenir dans de telles situations. Je présume que s'il n'y en a pas au Manitoba, il n'y en a pas non plus dans le reste du pays. La Défense nationale pourrait-elle nous éclairer quant aux mesures qui seront prises à ce sujet?

Je trouve ahurissant que, dans une province comme le Manitoba, dont une grande partie du territoire est située dans le Nord, nous ne soyons pas en mesure d'intervenir face à de telles situations en faisant appel aux militaires. J'ai suivi l'affaire et je sais qu'ils ont fait tout leur possible. La grande question reste de savoir quand nous disposerons de l'équipement nécessaire.

Le sénateur Graham: Honorables sénateurs, il s'agit-là d'une question importante qui concerne tous les Manitobains ainsi que les habitants d'autres régions du pays. Notre pays est si vaste qu'il serait impossible, je suppose, d'assurer la surveillance stratégique partout.

Mon ami soulève une question tout à fait légitime, à laquelle je vais essayer de fournir une réponse plus tard.

Les ressources humaines

Le chômage chez les jeunes-Réponse au problème-la position du gouvernement

L'honorable Erminie J. Cohen: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat. Il y a deux ans, le chômage chez les jeunes a été déclaré être une priorité nationale, et cette question aurait dû être l'un des principaux points à l'ordre du jour de la réunion des premiers ministres, qui se tient aujourd'hui à Ottawa. Or, le ministre nous apprend que les premiers ministres ne consacreront que 30 minutes à cette question.

Qu'en est-il devenu de la priorité nationale qui devait consister à répondre à des besoins qui ont maintenant pris l'envergure d'une crise?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, le programme de lutte contre le chômage chez les jeunes est sur la bonne voie. La stratégie pertinente a été annoncée en février dernier. Les données de Statistique Canada révèlent qu'entre février, lorsque la stratégie a été rendue publique, et novembre, le nombre de jeunes de 15 à 24 ans faisant partie de la population active a augmenté d'environ 23 000. Je pense que c'est là un indice qui confirme que de plus en plus de jeunes Canadiens sont optimistes quant à leurs chances de trouver un emploi.

Au cours de cette période, le marché du travail a accueilli quelque 38 000 jeunes de plus. Le nombre de jeunes Canadiens en chômage a diminué de 15 000, passant de 406 000 en février, à 391 000 en novembre. Il faut toutefois reconnaître que ce chiffre demeure inquiétant et qu'il est nettement trop élevé.

Même si les premiers ministres ne consacrent qu'une demi-heure à l'étude de cette question, je tiens à assurer l'honorable sénateur que d'autres discussions se tiennent relativement à ce dossier et qu'elles se poursuivront en dehors du cadre de la conférence d'aujourd'hui.

Les relations fédérales-provinciales

La proportion des impôts perçus au québec contrôlée par la province-demande de précisions

L'honorable Jerahmiel S. Grafstein: Honorables sénateurs, ma question s'adresse au leader du gouvernement au Sénat et découle des déclarations faites hier par M. Bouchard. Le leader du gouvernement au Sénat pourrait-il, au moment qui lui conviendra, préciser au Sénat quelle proportion du montant total de tous les impôts et taxes - fédéraux, provinciaux et municipaux - perçus au Québec relève directement du contrôle du gouvernement de cette province?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Honorables sénateurs, je pourrais essayer de fournir une réponse mais, comme la question est importante et complexe, je préfère obtenir une réponse plus détaillée.

L'environnement

La réduction des émissions de gaz à effet de serre-L'engagement pris à la conférence de Kyoto-Les consultations entre le premier ministre et ses homologues provinciaux sur la ratification-La position du gouvernement

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, le leader du gouvernement au Sénat peut-il nous dire - et, s'il ne le peut pas, il pourrait peut-être se renseigner pour vérifier - quel engagement le premier ministre Chrétien a pris plus tôt cette semaine envers le premier ministre Joe Klein et d'autres au sujet des rajustements à apporter à la position du Canada relativement à l'accord de Kyoto avant que cet accord ne soit ratifié?

L'honorable B. Alasdair Graham (leader du gouvernement): Je ne sais pas si des engagements ont été pris, honorables sénateurs. Je sais qu'il y a eu des discussions entre les provinces. On a fait allusion à des consultations qui ont eu lieu entre les ministres fédéraux et provinciaux à Regina le mois dernier.

Beaucoup de provinces étaient représentées à la conférence de Kyoto. Je sais qu'il y a eu beaucoup de spéculations depuis cette conférence à savoir si les objectifs qui ont été fixés auraient dû être plus élevés ou moins élevés. Toutefois, je ne suis pas au courant d'aucun engagement qui aurait été pris par le premier ministre envers une province en particulier.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, le ministre dit qu'il n'est pas au courant d'un tel engagement. Je fais allusion à un engagement que le premier ministre aurait pris envers le premier ministre Klein et d'autres concernant les rajustements qui seraient apportés à notre position avant la ratification de l'accord. Encore une fois, je demande au leader du gouvernement s'il peut se renseigner au sujet de tout engagement pris par le premier ministre du Canada envers son homologue de l'Alberta ou d'autres personnes à cet égard et nous faire part du résultat de ses démarches.

Le sénateur Graham: Oui. C'est une affaire qui intéresse tous les sénateurs. On a posé beaucoup de questions à ce sujet ces dernières semaines, et je serai heureux de faire le point sur cette affaire au Sénat.


ORDRE DU JOUR

Projet de loi sur les lettres et billets de dépôt

Deuxième lecture

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Hervieux-Payette, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Poulin, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-9, Loi concernant les lettres de dépôt et les billets de dépôt et modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques.

L'honorable Michael A. Meighen: Honorables sénateurs, je suis heureux de participer au débat de deuxième lecture sur le projet de loi S-9, Loi concernant les lettres de dépôt et les billets de dépôt et modifiant la Loi sur la gestion des finances publiques.

Comme l'a si bien expliqué ma collègue, le sénateur Hervieux-Payette, ce projet de loi vise à faciliter le règlement et la compensation de certains titres dont l'investisseur ne prend pas concrètement possession. Je ne répéterai donc pas ce qu'elle a déjà dit.

Cependant, je voudrais réitérer que le projet de loi crée deux nouveaux titres utilisables sur le marché des titres, les lettres de dépôt et les billets de dépôt, et établit un cadre juridique les concernant.

Une lettre ou un billet de dépôt est un titre de change ou un billet à ordre conçu pour être détenu par une chambre de compensation et échangé par l'entremise d'un système d'inscription en compte exploité par une telle chambre. La seule différence entre une lettre ou un billet de dépôt et leur équivalent aux termes de la Loi sur les lettres de change, c'est que la lettre ou le billet sont émis exclusivement pour être détenus par une chambre de compensation et ne sont pas livrés à leur acquéreur.

Dans le système d'inscription en compte, seul une lettre ou un billet global est émis par les emprunteurs et ces documents sont détenus par une chambre de compensation. Les membres de la chambre de compensation qui fait l'acquisition d'intérêts dans la lettre ou le billet au nom de ses clients ne reçoit pas comme preuve d'achat une lettre ou un billet, mais cette acquisition est inscrite dans les registres de la chambre de compensation.

Cette loi vise à garantir, légalement, que l'acheteur obtienne, par suite des modifications, les mêmes droits légaux nécessaires dans les circonstances que ceux qu'il obtiendrait en tant qu'acheteur d'une lettre ou d'un billet aux termes de la Loi sur les lettres de change, sans la délivrance du titre.

En somme, honorables sénateurs, le projet de loi S-9 autorise les chambres de compensation ou de dépôt à transférer ces titres du vendeur à l'acheteur, par l'inscription des entrées dans leurs livres. Le projet de loi S-9 énonce les droits et les obligations des parties à un billet ou à une lettre de dépôt d'une manière compatible au recours à une chambre de compensation aussi bien qu'à un transfert d'inscriptions comptables.

Pour expliquer les origines du projet de loi S-9, qui était en fait le projet de loi C-90 au cours de la dernière législature, je vais décrire brièvement le contexte dans lequel s'inscrivent les modifications dont nous sommes saisis aujourd'hui.

Les acceptations de banque et le papier commercial émis par le secteur privé sont semblables aux obligations à court terme. Ces effets peuvent être achetés et vendus par des courtiers en valeurs mobilières sur le marché monétaire. L'acheteur de ces effets prend rarement livraison effective de ces effets. Autrement dit, aucun document semblable à un certificat d'une obligation d'épargne du Canada n'est en fait délivré à l'investisseur.

En établissant les droits des parties à ces transactions, toutefois, la loi fédérale en vigueur présume la possession des titres. Par conséquent, ces titres ne sont pas admissibles aux services de compensation et de dépôt de la Caisse canadienne de dépôt de valeurs Limitée, la CCDV. Ces transactions doivent se régler directement entre les parties, sans passer par une chambre de compensation centralisée. Au contraire, les titres émis par le gouvernement fédéral peuvent être réglés par l'entremise de la CCDV.

Honorables sénateurs, les modifications proposées dans ce projet de loi font suite à la demande du secteur des valeurs mobilières que les titres du marché monétaire soient acceptés par les chambres de compensation et de dépôt. Nous avons appris cette année que la CCDV serait prête à s'occuper cet automne des acceptations bancaires et du papier commercial. Au comité, nous demanderons aux représentants du gouvernement si c'est le cas.

Le projet de loi S-9 peut être décrit comme une autre étape dans la recherche de l'efficience que permet l'argent électronique, puisque les investisseurs institutionnels pourront dorénavant régler leurs transactions entre eux par des moyens électroniques.

Le comité sénatorial permanent des banques et du commerce a entrepris l'étude de la question de l'argent électronique dans le contexte plus vaste de la société canadienne et des répercussions de ces moyens électroniques sur le secteur des services financiers du Canada. Nous comptons convoquer un groupe d'experts dès le printemps prochain pour en savoir plus sur cette importante question qui influencera énormément les activités quotidiennes des Canadiens.

Honorables sénateurs, le projet de loi S-9 est une mesure importante qui bénéficie de l'appui de l'industrie qui y est visée. À l'instar de tous les autres membres du comité sénatorial permanent des banques et du commerce, j'attends avec impatience l'occasion de l'examiner en détail.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, puis-je poser une question à l'honorable sénateur Meighen?

Son Honneur le Président: Certainement, si l'honorable sénateur Meighen est d'accord.

Le sénateur Meighen: Allez-y, je vous en prie.

Le sénateur Taylor: Comme le sénateur l'a mentionné, ce projet de loi facilite les activités des institutions bancaires et des autres institutions de ce secteur. Dernièrement, en Asie, en Corée et dans d'autres régions, l'industrie bancaire a connu un important recul. Jusqu'ici, les banques et les institutions privées dans le monde ont été très stables. Cependant, depuis un mois, on pourrait dire que c'est la débandade dans la région du Pacifique et que ce phénomène semble se répandre.

Compte tenu de ce qui s'est passé dernièrement en Corée, pensez-vous qu'une telle mesure convient toujours?

Le sénateur Meighen: Honorables sénateurs, je ne crois pas être en mesure de donner une réponse précise au sénateur. Je ne vois pas comment - et je tiendrai certainement à questionner rigoureusement les experts là-dessus en comité - ces façons de procéder seraient exposées à plus de dangers que le présent système. La mesure ne fait que faciliter le traitement électronique des instruments.

Comme l'honorable sénateur l'a mentionné, nous voyons aujourd'hui que les conjonctures difficiles loin de nos frontières peuvent avoir des répercussions considérables ici, et nous devons faire preuve de la plus grande vigilance pour nous assurer que nos instruments financiers resteront aussi solides que ce que les Canadiens ont toujours vu.

Je vais poser la question que soulève l'honorable sénateur aux experts qui viendront témoigner au comité. C'est la seule réponse que je peux lui donner aujourd'hui.

(La motion est adoptée et le projet de loi est lu une deuxième fois.)

Renvoi au comité

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, quand ce projet de loi sera-t-il lu une troisième fois?

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le projet de loi est renvoyé au comité sénatorial permanent des banques et du commerce.)

Projet de loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada

Deuxième lecture-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Kirby, appuyé par l'honorable sénateur Joyal, c.p., tendant à la deuxième lecture du projet de loi C-2, Loi constituant l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada et modifiant le Régime de pensions du Canada, la Loi sur la sécurité de la vieillesse et d'autres lois en conséquence.

L'honorable Mira Spivak: Honorables sénateurs, je voudrais toucher un mot des répercussions qu'aura sur les Canadiennes la réforme du Régime de pensions du Canada que propose le projet de loi C-2.

Tout d'abord, il est important d'avoir une vue d'ensemble de la situation financière dans laquelle se trouvent les femmes. Voilà qui nous permettra de mettre en perspective les mesures du projet de loi qui influeront sur la sécurité financière des femmes. De plus, nous verrons ainsi plus clairement ce que ce projet de loi omet de faire. Par exemple, il ne vise aucunement à réduire le large fossé qui ne cesse de se creuser entre les ressources dont disposent actuellement bon nombre de femmes âgées au Canada et ce dont elles auraient besoin pour vivre leur retraite dans la dignité.

Or, ce projet de loi va dans le sens opposé. L'année dernière, le Caledon Institute of Social Policy a tenu une conférence précisément en vue d'examiner les répercussions de la réforme du RPC sur la condition féminine. La conférence était parrainée par Condition féminine Canada. En guise de préparation à la conférence, l'institut a effectué une analyse approfondie des données statistiques fournies par Statistique Canada, Développement des ressources humaines Canada et Revenu Canada. Cette étude illustre clairement, graphiques à l'appui, certaines réalités financières auxquelles sont confrontées les femmes âgées.

Le tableau n'est pas réjouissant. Il est même très préoccupant. Selon Statistique Canada, plus de la moitié des Canadiennes seules âgées de 65 ans et plus vivent dans la pauvreté. Dieu merci, la pauvreté chez les femmes âgées va diminuant. En 1980, le taux de pauvreté chez les femmes âgées seules dépassait les 70 p. 100. Aujourd'hui, il est légèrement supérieur à 50 p. 100. Cette tendance à la baisse est encourageante certes, mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il faille accepter ce qui demeure inacceptable. Les gouvernements ont reconnu que le Canada accuse un taux inacceptable - 20 p. 100 - de pauvreté chez les enfants. Le gouvernement fédéral a incité les provinces à collaborer avec lui dans le cadre d'une vaste initiative visant à réduire la pauvreté chez les enfants, mais la situation des femmes âgées, elle, on semble en faire bien peu de cas. Au contraire, le gouvernement fédéral et les provinces se sont mis d'accord pour apporter des modifications au RPC qui se traduiront par une réduction des prestations que toucheront les femmes à la retraite.

(1100)

Toujours selon Statistique Canada, plus du quart des Canadiennes âgées de 65 ans et plus vivaient sous le seuil de la pauvreté en 1994. C'est plus du double du taux applicable aux hommes et cela ne prend pas la tête à Papineau pour en saisir la cause.

Les femmes gagnent des salaires inférieurs à ceux des hommes lorsqu'elles sont sur le marché du travail, quoique l'écart salarial se rétrécit. Les chiffres publiés par Développement des ressources humaines Canada montrent qu'il y a 30 ans, le salaire moyen des femmes qui cotisaient au RPC était de moitié inférieur à celui des hommes. En 1993, le salaire moyen des femmes n'était encore qu'à 70 p. 100 de celui des hommes.

L'écart salarial signifie des cotisations moindres au RPC et, malheureusement, des prestations de pension moindres. En outre, les femmes entrent sur le marché du travail et en ressortent plus fréquemment que les hommes. Elles prennent le temps d'avoir des enfants, de les éduquer, elles occupent des emplois à temps partiel, travaillent à contrat ou comme travailleuses autonomes à la maison. Lorsque leur conjoint est muté dans une autre ville, elles l'accompagnent et changent d'emploi. Les femmes quittent également leur emploi pour s'occuper de parents âgés ou de leur conjoint plus âgé qu'elles. Ce sont les femmes qui pourvoient les soins dans notre société. C'est pourquoi la grande majorité d'entre elles n'ont pas de pension d'un régime privé, à la retraite.

Moins du tiers des femmes qui ont pris leur retraite en 1992 reçoivent une pension d'un ancien employeur et celles qui touchent une pension d'un régime privé reçoivent en moyenne 500 $ par mois, soit 6 583 $ par année. À l'opposé, plus de 60 p. 100 des hommes sont prestataires d'un régime de pension privé et reçoivent en moyenne des prestations de 11 000 $ par année.

Il serait rassurant de penser que la situation s'améliore et que les femmes qui sont aujourd'hui sur le marché du travail pourront compter sur un régime de pension privé au moment de leur retraite, mais ce ne sera pas le cas. Les deux tiers des femmes qui occupent présentement un emploi ne cotisent toujours pas à un régime de pension d'employeur. Elles travaillent dans des secteurs d'activité où les employeurs n'offrent pas de régime de pension, par exemple la vente au détail, les restaurants et d'autres secteurs de services.

Les données sur l'emploi publiées plus tôt ce mois-ci par Statistique Canada indiquent que 88,2 p. 100 des nouveaux emplois créés en novembre ont été décrochés par des femmes. Il s'agissait pour la plupart d'emplois à temps plein dans le secteur des services. Le RPC est la seule pension de retraite dont disposent ces femmes. Quand les femmes travaillent pour un employeur qui offre un régime privé, elles ont tendance à retirer leurs cotisations quand elles s'arrêtent de travailler pour avoir des enfants ou pour vivre avec leur conjoint.

Les femmes ont beaucoup moins tendance à contribuer à un REER que les hommes. C'est dû en partie au fait qu'elles gagnent généralement moins, et en partie au fait qu'elles ne travaillent pas de façon continue. Selon des données récentes, seulement 26 p. 100 de toutes les femmes entre 24 et 65 ans qui n'avaient pas de régime de retraite d'employeur contribuaient à un REER. Et celles qui contribuaient y mettaient beaucoup moins d'argent que les hommes.

Est-ce un problème que les femmes versent des cotisations moins importantes au RPC, qu'elles n'aient pas de régime de retraite privé, et qu'elles ne puissent pas compter sur l'argent mis de côté dans un REER? Après tout, au Canada, nous avons la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti pour aider les femmes à la retraite, programmes que le gouvernement se propose aussi de modifier. Oui, c'est un problème car nous savons que le soi-disant «filet de sécurité que représentent la SV et le SRG» est en fait une garantie de pauvreté. Les chiffres pour 1995 montrent que les personnes âgées seules qui reçoivent les prestations maximum de la SV et du SRG, soit 10,264 $, vivent en deçà du seuil de la pauvreté, qu'elles habitent une grande ville, un village ou à la campagne. Celles qui habitent dans un grand centre urbain recevaient 6 000 $ de moins que ce dont elles auraient eu besoin pour vivre avec dignité et un certain confort.

Les couples qui recevaient le maximum, soit 16 642 $, vivaient en deçà du seuil de la pauvreté tel que défini par Statistique Canada, dans toutes les régions du Canada, sauf dans les zones rurales.

Une autre chose qu'il ne faut pas oublier, c'est que les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Les femmes mariées survivent généralement à leur époux. Les veuves et les femmes célibataires ou divorcées peuvent s'attendre à être à la retraite pendant un nombre d'années supérieur aux hommes; années pendant lesquelles elles auront besoin d'un revenu.

Si on combine le tout - l'espérance de vie des femmes, leur régime de travail, leurs cotisations moindres au RPC et presque pas de revenu de retraite d'autres sources - on trouve exactement ce à quoi on s'attendait: trop de femmes vivant avec trop peu.

Les chiffres que j'ai donnés sont en grande partie basés sur des moyennes. Il est facile de dire qu'on ne peut se fier aux moyennes. On pourrait être optimiste et supposer qu'il y a peu de gens au bas de l'échelle, mais ce n'est pas le cas. Au Canada, en 1995, le revenu de la vaste majorité des veuves et des femmes divorcées de plus de 65 ans se situait entre 10 000 $ à 15 000 $. Elles étaient plus de 400 000 dans cette catégorie. En 1994, plus du quart des femmes âgées, mariées ou célibataires, vivaient dans la pauvreté. C'est donc près d'un demi-million de soeurs, de mères et de grands-mères qui devaient lutter pour survivre. Leur nombre n'a pas diminué depuis près de deux décennies.

Les données nous disent qu'un Régime de pensions du Canada sûr et fiable, capable d'assurer des prestations adéquates, est encore plus important pour les femmes que pour les hommes. Il est vital que les femmes aient la possibilité de contribuer à un régime de pension, peu importe où elles travaillent. Il est très important que le régime soit entièrement transférable, peu importe l'employeur de la femme en cause. Il importe que le régime lui soit offert même si c'est une travailleuse autonome. En fait, la transférabilité du RPC prend de plus en plus d'importance pour les hommes aussi bien que pour les femmes.

Il importe aussi que le RPC ne pénalise pas les femmes parce qu'elles vivent plus longtemps, ni par le truchement des cotisations ni par celui des prestations. Il a été question, à l'autre endroit, d'abolir le RPC pour le remplacer par un régime de cotisations obligatoires aux REER. Permettez-moi de dire que le parti qui a fait cette proposition n'est pas reconnu pour son dévouement envers la cause des droits des femmes.

En plus des autres faiblesses du régime proposé, celui-ci désavantagerait les femmes. Elles seraient forcées soit de cotiser davantage durant leurs années de travail pour recevoir les mêmes prestations de retraite que les hommes, soit d'accepter des prestations inférieures au moment de la retraite. Aucun régime financé individuellement ne versera le même montant mensuel aux femmes pendant un plus grand nombre d'années.

En février dernier, le ministère des Finances a examiné, en fonction de la disparité entre les sexes, le RPC actuel et la réforme globale, comme il était tenu de le faire. Tout projet de loi est maintenant assujetti à une analyse en fonction de la disparité entre les sexes. Le ministère a conclu que les femmes en reçoivent plus pour leur argent selon le régime actuel et que ce sera la même chose après la réforme. Il a donné les exemples suivants: si le régime demeure tel quel, une jeune femme commençant à travailler aujourd'hui contribuera 103 750 $ durant sa carrière et elle recevra 272 100 $ en prestations, soit 2,62 $ pour chaque dollar qu'elle aura versé. Un jeune homme commençant à travailler aujourd'hui contribuera davantage et recevra moins que la femme, c'est-à-dire 1,34 $ pour chaque dollar qu'il aura contribué.

Avec les modifications proposées, les deux verseront des cotisations moins élevées; la jeune femme versera 9 000 $ de moins et le jeune homme, 16 000 $ de moins. Cependant, la femme perdra beaucoup plus à sa retraite. Elle perdra près de 30 000 $ en prestations, tandis que lui perdra environ 20 000 $. Elle touchera 2,56 $ pour chaque dollar de cotisation, soit 6 cents de moins le dollar. Il touchera 1,36 $, soit 2 cents de plus qu'il n'en recevrait si ces réformes ne sont pas adoptées.

Ces chiffres nous révèlent, selon deux perspectives, que le régime se dirige dans la mauvaise direction. Si l'on se souvient des taux de pauvreté parmi les personnes âgées, il est évident que autant les jeunes hommes que les jeunes femmes doivent verser des cotisations plus élevées, et non moindres, en vue de leur retraite. Si l'on se souvient que les femmes sont surreprésentées parmi ces groupes de personnes pauvres, il est évident que le régime devrait en tenir compte. Selon l'analyse du ministère des Finances, en l'an 2030, les femmes en général toucheront 9,7 p. 100 de moins en prestations qu'elles n'en recevraient si nous n'adoptons pas ces réformes, et les hommes en général recevront 8,9 p. 100 de moins.

J'estime qu'on a perdu de vue ces simples faits dans tous les beaux discours qui ont été prononcés au sujet de l'augmentation des cotisations au RPC et dans les prédictions alarmistes selon lesquelles le ciel tombera sur le RPC si nous continuons de le financer au moyen de cotisations de répartition.

Je traiterai des cotisations, mais je voudrais d'abord examiner les modifications apportées aux prestations.

Les femmes perdront des prestations en raison de mesures qui frisent le parti pris fondé sur le sexe. Elles seront perdantes en raison de la réduction substantielle des prestations de décès, qui passeront de 3 580 $ à 2 500 $. Comme les femmes vivent plus longtemps que les hommes, ces prestations sont habituellement versées aux femmes au décès de leur conjoint. En mars 1996, par exemple, 73 p. 100 de plus de 9 000 prestations de décès ont été versées au décès d'un cotisant de sexe masculin au RPC. Elles seront perdantes dans le nouveau calcul des prestations de survivant combinées aux prestations de retraite. Encore une fois, comme les femmes vivent plus longtemps, ce sont elles qui seront perdantes lorsque le paiement combiné sera réduit. Qui plus est, lorsque la nouvelle prestation aux aînés entrera en vigueur, elles seront perdantes en raison du nouveau calcul fondé sur le revenu familial, et non sur le revenu seul de la femme.

Bon nombre de femmes qui auront 65 ans après l'entrée en vigueur du nouveau régime en 2001 perdront la totalité ou une partie de leurs prestations en raison du revenu de leur conjoint.

(1110)

Pour ce qui est des cotisations, les femmes, comme les hommes, paieront plus à cause non seulement de l'augmentation des taux de cotisation, mais aussi du gel de la portion de base des gains qui sont exemptés des cotisations au RPC. Pour les femmes, c'est une épée à double tranchant. Le gel à 3 500 $ des exemptions de base annuelles signifie à la longue qu'un plus grand nombre de travailleurs à temps partiel, à faible revenu, qui gagnent maintenant au maximum 3 500 $ cotiseront au régime pour, en fin de compte, toucher une maigre pension. Par ailleurs, cela peut dissuader les employeurs d'engager ces travailleurs à temps partiel s'ils doivent cotiser la part de l'employeur au RPC. À mesure que l'inflation réduit la valeur réelle de cette exemption de base, les femmes devront verser une cotisation plus importante. L'augmentation très importante des cotisations d'ici à l'an 2003 sera particulièrement dure pour le travailleur autonome. Une travailleuse autonome qui a un revenu de 35 800 $ devra verser près de 3 200 $ de cotisations au RPC. Si elle a un revenu supérieur à 46 000 $, elle devra en verser 4 267 $. Cela ne laisse pratiquement aucune marge de manoeuvre et signifie que le revenu disponible est nettement inférieur, du fait des cotisations qui doivent être versées au RPC.

J'aimerais aborder la question des cotisations sous un autre angle, sous un angle qui paraît presque radical dans le climat politique actuel. Il y a tellement d'années que Le C.D. Howe Institute, le Fraser Institute et The Globe and Mail disent que le RPC traverse une crise financière qu'on l'accepte comme si c'était parole d'évangile. On nous a dit que si nous ne réformions pas le RPC, si nous ne laissions pas tomber le mode de financement par répartition pure, si nous n'augmentions pas considérablement les cotisations maintenant, nous assisterions d'ici l'an 2030 à une montée en flèche à 14,2 p. 100 du taux combiné des cotisations de l'employeur et de l'employé. Nous devons remettre les choses en perspective. S'agit-il là d'un taux vraiment astronomique? Nous devons nous poser la question.

Aux États-Unis, le taux combiné des cotisations de l'employeur et de l'employé au programme de sécurité sociale représentait, en 1995, 15,3 p. 100 des gains assurables. Cette année-là, quand nous avons plafonné les gains assurables à 35 400 $, les États-Unis percevaient des cotisations sur des revenus allant jusqu'à 61 200 $, autrement dit à plus de 85 000 $ CAN, au taux de change actuel.

Son Honneur le Président: Je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur Spivak, mais sa période de 15 minutes est écoulée.

Le sénateur Spivak: Puis-je avoir la permission de continuer?

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Spivak: Honorables sénateurs, ainsi, les citoyens américains qui ont pris leur retraite à l'âge de 65 ans en 1995 ont reçu une pension maximale de 14 388 $ américains, soit environ 20 000 $ canadiens, alors que notre pension maximale était inférieure à 9 000 $ pour les hommes ou les femmes. Le fait est que le RPC est un Régime de pensions public très modeste. Nous le complétons avec les prestations de la Sécurité de la vieillesse et le Supplément de revenu garanti, deux programmes qui seront bientôt réunis sous la prestation aux aînés qui sera elle-même soumise à la récupération dans un grand nombre de cas pour les Canadiens à revenu moyen si le gouvernement procède comme il le veut.

De nombreux analystes crédibles prétendent que le RPC pourrait tout en étant viable offrir des prestations plus généreuses, sans mettre le pays en faillite. Des analyses effectuées par l'OCDE, par exemple, ont montré qu'en ce qui concerne le ratio des dépenses de pensions au PIB, le Canada était au dernier rang des pays du G-7. Nos dépenses à ce titre représentent environ 4 p. 100 du PIB. Les États-Unis y consacrent 5 p. 100, le Japon, l'Allemagne et le Royaume-Uni autour de 6 p. 100, la France près de 9 p. 100, et l'Italie a un ratio presque trois fois supérieur au nôtre. Selon l'OCDE, le Canada demeurera en-dessous du ratio de 10 p. 100 tout au cours du siècle prochain, alors que des pays s'attendent à ce que les dépenses au titre des pensions montent jusqu'à 15 ou 20 p. 100 du PIB et plus.

Les prévisions de l'OCDE sur le plan démographique placent également le Canada au milieu du peloton parmi les pays du G-7 en ce qui concerne le ratio des personnes à la retraite par rapport aux travailleurs, même durant les années de pointe de la retraite de la génération du baby-boom.

Le Caledon Institute a souligné ce point à plusieurs reprises à sa conférence: En quoi consiste exactement la crise du RPC? C'est une crise de perception.

Un groupe de travail parlementaire a relevé un besoin de changement il y a presque 15 ans. Il a recommandé une prestation de femme au foyer au titre du RPC pour reconnaître le travail des femmes à la maison. Il a recommandé le partage obligatoire des droits à pensions au moment de la retraite ou de la rupture d'un mariage. Il a proposé d'autres modifications pour aider les femmes. On n'a pris aucune de ces mesures audacieuses. Nous devons nous demander quelle différence ces mesures auraient pu faire en ce qui concerne la pension des femmes prenant leur retraite de nos jours. Parmi les femmes qui ont pris leur retraite en mars de l'année dernière, le chèque moyen mensuel au titre du RPC était de 293 $, ce qui est à peine suffisant pour payer la facture de chauffage et l'épicerie.

On a persuadé les Canadiens que le RPC est en crise. La première étape consiste à rétablir la confiance du public. C'est la réalité politique. Ken Battle, du Caledon Institute, a très bien exposé la situation lorsqu'il a déclaré:

Nous devons attendre un climat économique et politique plus favorable à l'avenir pour parvenir à apporter les améliorations nécessaires à un régime public de retraite qui est loin d'être parfait.

Alors que nous discutons de ce projet de loi, j'espère que nous garderons à l'esprit que nous prenons de petites mesures dans la mauvaise direction pour ce qui est de donner aux femmes canadiennes le revenu de retraite dont elles ont besoin pour vivre dans la dignité. Lorsque la confiance du public aura été rétablie, j'espère que nous commencerons à nouveau à nous pencher sur les prestations améliorées dont les femmes ont besoin et qu'elles méritent.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

La Loi canadienne sur les coopératives

Deuxième lecture-Ajournement du débat

L'honorable Catherine S. Callbeck propose: Que le projet de loi C-5, Loi régissant les coopératives, soit lu une deuxième fois.

- Honorables sénateurs, j'ai le plaisir aujourd'hui de déposer le projet de loi C-5 régissant les coopératives, intitulé Loi canadienne sur les coopératives.

Le projet de loi C-5 découle d'un processus amorcé par deux associations de coopératives, la Canadian Cooperative Association, la CCA, et le Conseil canadien de la coopération, le CCC. Les coopératives non financières constituées en vertu de lois fédérales, de même que d'autres coopératives non financières, qui désiraient étendre leurs activités à plus d'une seule province, estiment qu'elles sont désavantagées face à la concurrence à cause de la loi actuelle. La Loi sur les associations coopératives du Canada est entrée en vigueur pour la première fois en 1970. Le contexte commercial dans lequel les coopératives doivent fonctionner a considérablement évolué depuis 1970, mais pas la loi. Les coopératives ont été obligées de respecter des règles administratives générales désuètes ainsi que des procédures de constitution onéreuses et lourdes, et de se passer des mécanismes qui leur auraient permis de profiter de nouvelles sources de financement pour croître et étendre leurs activités.

Une nouvelle mesure législative régissant les coopératives non financières, connue sous le nom de projet de loi C-91, a été déposée au cours de la trente-cinquième législature, mais est morte au Feuilleton lorsque les élections fédérales de 1997 ont été déclenchées. Les coopératives non financières comprennent les coopératives oeuvrant dans les domaines de l'agriculture, de la consommation, des pêches, des forêts, de la santé, des soins aux enfants, du logement et du développement communautaire.

Le projet de loi C-5 permettra aux coopératives non financières de soutenir efficacement la concurrence sur le marché compétitif d'aujourd'hui.

Premièrement, le projet de loi C-5 modernise les règles administratives générales des coopératives non financières. Il leur offre certains mécanismes déjà prévus dans la Loi canadienne sur les sociétés par actions, dont certains touchent à l'organisation de l'entreprise, comme les fusions. Il permettra également aux coopératives de concurrencer d'autres coopératives commerciales en fonction de règles du jeu équitables. Les coopératives pourront désormais nommer des spécialistes de l'extérieur à leur conseil d'administration, puisque le tiers des administrateurs pourront venir de l'extérieur. Le projet de loi C-5 impose aux administrateurs un devoir de diligence et une responsabilité fiduciaire d'origine législative. Il introduit la notion de personne physique, ce qui autorise les coopératives à exercer toute une série d'activités commerciales. Avec le projet de loi C-5, la constitution d'une coopérative devient un droit et non plus un privilège laissé à la discrétion de l'État, comme le prévoit la loi actuelle.

Deuxièmement, le projet de loi C-5 accorde plus de souplesse aux coopératives pour obtenir des capitaux ou du financement par actions. Les coopératives pourront désormais émettre des actions de placement sans droit de vote à des non-membres. Les coopératives pourront aussi émettre des parts sans participation, ce qui leur assurera un meilleur accès au financement tout en gardant le contrôle entre les mains des membres.

(1120)

Les membres pourront décider d'autoriser les investisseurs actionnaires à élire un maximum de 20 p. 100 des administrateurs.

Troisièmement, le projet de loi C-5 met à jour, élargit et renforce la définition du principe coopératif. Ainsi, la définition sera conforme aux principes coopératifs adoptés par l'Alliance coopérative internationale, l'ACI, en 1995.

La définition de «principe coopératif» exige l'adhésion ouverte sans discrimination aux personnes intéressées ainsi que le principe du capital fourni par les membres, dans la mesure du possible. Le projet de loi ajoute aussi le principe d'utiliser les fonds excédentaires pour la promotion du bien-être collectif ou l'expansion des entreprises coopératives.

La nécessité de sensibiliser le public et les employés aux principes de l'entreprise coopérative a aussi été ajoutée à la loi.

Ce qui est particulièrement important, c'est que le projet de loi C-5 exige que les coopératives respectent certains critères assurant qu'elles sont organisées et qu'elles fonctionnent sur un mode coopératif.

Quatrièmement, le projet de loi C-5 raffermit les droits des membres. Les membres auront dorénavant le droit de s'opposer à des changements fondamentaux comme une fusion ou la modification de la nature fondamentale de la mission de la coopérative. Les membres auront dorénavant le droit de s'adresser aux tribunaux pour les cas d'abus de pouvoir. Les membres ont aussi le droit de présenter des propositions aux assemblées. Ces droits n'existent pas en vertu de la législation actuelle.

Honorables sénateurs, le projet de loi C-5 avait, dans l'ensemble, l'appui de tous les membres du comité permanent de la Chambre des communes chargé de l'industrie ainsi que des témoins entendus. On a soulevé des objections sur une seule question. Celle de la capacité d'une coopérative de racheter la part d'un membre qui n'est pas d'accord avec une proposition de changement fondamental des statuts.

Les membres du secteur coopératif, notamment l'Alberta Wheat Pool et les Manitoba Pool Elevators, estimaient que les délais prévus pour le rachat des parts du membre dissident étaient trop courts. Cela pouvait menacer la base financière d'une coopérative.

Le projet de loi donnait aux administrateurs la possibilité de retarder les paiements à un membre dissident pour une durée maximale de cinq ans, si ces paiements risquaient d'avoir un effet néfaste sérieux sur la situation financière de la coopérative.

Un amendement a donc été apporté au projet de loi C-5 pour permettre à une coopérative de mettre dans ses statuts un délai de paiement d'un membre dissident dépassant cinq ans, mais de dix ans au plus. L'amendement modifie également le taux d'intérêt qui s'applique à l'argent dû qui était de 10 p. 100 et sera maintenant le taux prescrit ou calculé conformément au règlement.

Cet amendement donne une certaine souplesse en ce qui concerne le taux d'intérêt approprié. Deux associations nationales représentant le secteur coopératif étaient d'accord avec cet amendement et quelques autres de nature technique.

Beaucoup d'entreprises qui n'auraient jamais vu le jour ont pu démarrer grâce au mouvement coopératif. Pour vous donner une idée de l'importance du mouvement coopératif au Canada, les membres de la Canadian Co-operative Association, la CCA, ont des actifs totalisant 56 milliards de dollars.

Le CCC, qui représente les coopératives francophones dans toutes les régions du Canada, a environ 90 milliards d'actifs.

L'Agri-foods International Cooperative, la Federation Cooperative Limited and la Coop Atlantic sont des exemples de coopératives visées par le projet de loi C-5.

Honorables sénateurs, le mouvement coopératif est également actif dans ma région du Canada atlantique. Le premier magasin coopératif dans ce qui est maintenant le Canada a été ouvert à Stellarton, en Nouvelle-Écosse, en 1861.

Dans ma province, l'Île-du-Prince-Édouard, le mouvement coopératif continue de jouer un rôle de premier plan. Nous avons, à l'Île-du-Prince-Édouard, 108 coopératives qui emploient 455 personnes à plein temps et 971 personnes à temps partiel. En 1995, nos coopératives non financières avaient une masse salariale de 8,2 millions de dollars.

Honorables sénateurs, pour les peuples autochtones du Canada, les coopératives autochtones jouent un rôle clé dans le développement de leurs communautés. En 1995, celles-ci comptaient plus de 20 300 sociétaires et constituaient la plus importante source de travail après le gouvernement.

Ces coopératives non financières créent emplois et possibilités d'emploi pour des Canadiens dans toutes les régions du pays. Le projet de loi C-5 permettra aux coopératives non financières de prospérer et de prendre de l'expansion dans un contexte de concurrence commerciale de plus en plus vive. En même temps, le projet de loi C-5 préserve les caractéristiques fondamentales des coopératives et renforce les droits des sociétaires.

En terminant, je vous exhorte, honorables sénateurs, d'appuyer le projet de loi C-5.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, au nom du sénateur Eyton, le débat est ajourné.)

affaires juridiques et constitutionnelles

Avis de motion portant autorisation au comité de siéger en même temps que le Sénat

Permission ayant été accordée de revenir aux avis de motions:

L'honorable Lorna Milne: Honorables sénateurs, je propose:

Que le comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à siéger en même temps que le Sénat le lundi 15 décembre 1997 et le mardi 15 décembre 1997, et que l'application du paragraphe 95(4) du Règlement soit suspendue à cet égard.

Son Honneur le Président: La permission est-elle accordée, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

Le Québec

Les commissions scolaires linguistiques-Motion tendant à modifier l'article 93 de la Constitution-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Graham, c.p., appuyée par l'honorable sénateur Mercier,

ATTENDU: que le gouvernement du Québec a fait connaître son intention de mettre en place des commissions scolaires linguistiques francophones et anglophones au Québec;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a adopté une résolution autorisant la modification de la Constitution du Canada;

QUE l'Assemblée nationale du Québec a réaffirmé les droits consacrés de la communauté québécoise d'expression anglaise, notamment le droit, exercé conformément aux lois du Québec, des membres de cette communauté de faire instruire leurs enfants dans des établissements de langue anglaise que cette communauté gère et contrôle et qui sont financés à même les fonds publics;

QUE l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés garantit aux citoyens partout au Canada des droits à l'instruction dans la langue de la minorité et à des établissements d'enseignement que la minorité linguistique gère et contrôle et qui sont financés sur les fonds publics;

QUE l'article 43 de la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que la Constitution du Canada peut être modifiée par proclamation du Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, autorisée par des résolutions du Sénat, de la Chambre des communes et de l'assemblée législative de chaque province concernée;

Le Sénat a résolu d'autoriser la modification de la Constitution du Canada par proclamation de Son Excellence le Gouverneur général sous le grand sceau du Canada, en conformité avec l'annexe ci-jointe.

ANNEXE

MODIFICATION DE LA CONSTITUTION DU CANADA

LOI CONSTITUTIONNELLE DE 1867

1. La Loi constitutionnelle de 1867 est modifiée par l'insertion, après l'article 93, de ce qui suit:

«93A. Les paragraphes (1) à (4) de l'article 93 ne s'appliquent pas au Québec.»

TITRE

2. Titre de la présente modification: «Modification constitutionnelle de (année de proclamation) (Québec)».

L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, je n'ai que 15 minutes pour vous informer encore une fois de ma position sur cette importante modification constitutionnelle dont les conséquences pour les Québécois dureront le reste de leur vie. Ce n'est pas suffisant, mais je ferai de mon mieux.

Je tiens à vous rappeler à tous l'importance de la tâche qui est la nôtre. Depuis le début du débat sur cette résolution, je répète toujours le même message. Je me propose de le répéter encore quelques fois aujourd'hui.

(1130)

Le gouvernement québécois a déclaré à ses habitants que tout irait bien, qu'ils auraient leurs écoles confessionnelles et qu'il fallait seulement apporter une modification concernant les commissions scolaires. Le gouvernement du Québec a aussi déclaré à sa minorité anglophone que les modifications proposées l'avantageraient. De toute évidence, honorables sénateurs, ce n'est malheureusement pas le cas. Je viens du Québec et je vais vous dire ce qui se dit dans la province.

Les Québécois commencent seulement à comprendre les répercussions que cette modification constitutionnelle complexe pourrait avoir. Leur gouvernement n'a rien fait pour faciliter les choses en faisant valoir uniquement des arguments touchant la langue, question capitale dans la province de Québec. Le gouvernement du Parti québécois déclare qu'il veut des commissions scolaires linguistiques. Honorables sénateurs, tout le monde au Québec voudrait avoir des commissions scolaires linguistiques. Ce n'est pas cela qui fait problème. C'est plutôt le fait que le gouvernement du Québec a promis aux parents qu'ils pourraient garder leurs écoles confessionnelles. Les uns à la suite des autres, des experts ont comparu devant le comité mixte pour dire que, si les droits à l'enseignement religieux prévus aux termes de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867 étaient éliminés, le gouvernement du Parti québécois ne pourrait pas tenir ses promesses. En fait, le gouvernement du Québec serait moins en mesure de légiférer dans le domaine de l'éducation, pour ce qui est des droits concernant les écoles confessionnelles.

Honorables sénateurs, aux termes de l'article 93 tel qu'il est rédigé actuellement, les droits à l'enseignement religieux sont protégés contre la stricte application des Chartes canadienne et québécoise sur les droits et libertés. Les gouvernements doivent donc légiférer pour autoriser l'établissement d'écoles catholiques et protestantes, même si cela serait normalement considéré discriminatoire.

Les gouvernements n'ont aucune autre restriction. Ils sont libres de légiférer pour que d'autres religions aient leurs écoles. Le gouvernement du Québec l'a fait pour les religions juive et arménienne. Toutefois, cette latitude est menacée par l'abrogation de l'article 93. Si l'article 93 disparaît, les dispositions du projet de loi 109 de la province, permettant l'établissement d'écoles catholiques et protestantes, seront assujetties aux deux Chartes. Le contenu du projet de loi 109 est actuellement protégé par la disposition d'exemption qui y est prévue. Cependant, cette application de la disposition de dérogation sera revue en 1999. Le gouvernement du Québec n'a pas informé le public que, en 1999, il n'y aurait plus aucune protection pour les écoles catholiques et protestantes. Si les écoles confessionnelles sont contestées, elles seront probablement jugées inconstitutionnelles pour des motifs d'égalité. Toutes les confessions religieuses sont exposées au même risque: catholiques, protestants, juifs, arméniens, tous.

Honorables sénateurs, je ne vais pas mâcher mes mots. Toutes les écoles confessionnelles financées par l'État vont disparaître. Les Québécois ne sont pas conscients du danger. Au lieu d'informer les citoyens comme il se doit, le gouvernement du Québec s'est complu dans le secret et a été malhonnête tout au long. Je vais vous donner un exemple.

Honorables sénateurs, lorsque j'ai commenté le rapport du comité mixte spécial le 27 novembre, j'ai parlé de l'opinion que le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation a communiquée au ministre de l'Éducation du Québec. Madame la ministre Marois a reçu cette opinion le 10 novembre. Elle n'a pas daigné y répondre. Le document n'a été rendu public que vendredi dernier. Auparavant, il était très peu diffusé. En raison de son contenu explosif, ce document n'a été envoyé qu'à six personnes. Ce qui fait l'importance du document, c'est non seulement son contenu, mais aussi sa source.

À ceux d'entre vous qui l'ignoreraient, je dirai que le comité catholique du Conseil supérieur de l'éducation est un conseil consultatif du gouvernement du Québec prévu par la commission Parent de 1966. Le comité catholique a des liens étroits avec les évêques catholiques et il exprime souvent, sinon toujours, des opinions qui concordent avec celles des évêques

catholiques. Par exemple, avant que le comité mixte n'examine la modification proposée, les évêques catholiques ont appuyé les commissions scolaires linguistiques. Je vais de nouveau lire un extrait de la célèbre lettre. Dans une courte missive à M. Dion, ils ajoutent ceci à leur appui:

Notre acceptation du changement du statut des commissions scolaires a toujours été accompagnée d'une condition: que les garanties confessionnelles que la loi 107 a établies soient maintenues. Les droits que cette loi a clairement reconnus sont au coeur de l'héritage que l'histoire nous a légué.

Le comité catholique a également appuyé les commissions scolaires linguistiques avant que le comité mixte n'entame l'étude de la modification. Il a affirmé qu'il ne s'opposait pas à la modification de l'article 93 de la Constitution pourvu que, en ce qui concerne l'enseignement religieux et le statut des écoles, le gouvernement maintienne clairement son engagement de respecter la liberté de choix des parents et du grand public.

Le comité catholique a révisé sa position suite à l'étude de la modification proposée faite par le comité mixte. Le sénateur Lynch-Staunton vous a déjà lu des extraits du document lors de son discours du 9 décembre, mais celui-ci est tellement important que je vais en citer d'autres passages. Le comité catholique confirme ma position relativement à la compréhension qu'ont les Québécois de cette modification. Le comité écrit:

Suite aux renseignements qui leur ont été fournis, les gens ont essentiellement appris que la modification constitutionnelle visait uniquement à faciliter l'établissement de commissions scolaires linguistiques à Montréal et à Québec. Si les conclusions de certaines analyses faites par des spécialistes sont fondées, les gens pourraient fort bien découvrir, à leur grande stupéfaction, que le processus rendait impossible la préservation de l'enseignement religieux auquel ils tiennent beaucoup, alors qu'ils avaient l'impression que la garantie d'enseignement religieux était confirmée dans la nouvelle Loi sur l'instruction publique.

Les Québécois n'ont pas été informés des graves risques qu'ils courent en permettant au gouvernement de procéder à la mise en place de commissions scolaires linguistiques par suppression de l'article 93. Afin de corriger la situation, le comité catholique a recommandé ce qui suit:

Si le gouvernement veut faire preuve de transparence dans la tâche délicate qu'il a entreprise, s'il veut éviter les effets non souhaitables mentionnés ci-dessus, il doit expliquer au public les conséquences prévisibles de la modification constitutionnelle qu'il veut obtenir, et il doit dire très clairement qu'il entend préserver son pouvoir législatif relativement aux écoles confessionnelles. Autrement, l'issue de tout débat futur sur la religion dans les écoles sera déterminée à l'avance, uniquement en fonction des chartes, ce qui ne pourra qu'entraîner d'amères déceptions.

Le comité catholique termine en exhortant le gouvernement du Québec à trouver une solution qui lui permettra de répondre aux attentes légitimes des Québécois. Le comité prie le gouvernement québécois d'agir de la sorte, afin qu'un véritable débat démocratique puisse se tenir sur l'enseignement religieux dans les écoles publiques du Québec, et que la société décide où elle veut aller, avant que les tribunaux ne le fassent à sa place.

Honorables sénateurs, j'ai demandé au ministre Dion ce qu'il pensait de la position révisée du comité catholique. Il a répondu que la teneur n'en était pas nouvelle, puisque cette opinion avait été exprimée par de nombreux témoins entendus devant le comité. L'importance de ce changement de position a échappé au ministre et a peut-être échappé à plusieurs d'entre vous. Le comité s'est satisfait des assurances du gouvernement. Ce n'est qu'après qu'ils eurent révisé le témoignage présenté devant le comité mixte et qu'ils l'eurent fait vérifier par leur propre conseiller juridique, qu'ils sont devenus inquiets. Le reste de la population ressentirait peut-être la même inquiétude si nous leur donnions l'occasion d'étudier la question abstraction faite de l'aspect linguistique.

Il est révélateur que le gouvernement du Québec se montre peu disposé à partager l'information avec sa population. On ne devrait pas adopter de modification constitutionnelle si les gens concernés ne savent pas quelle incidence une telle modification pourrait avoir dans leur vie quotidienne. Je ne pense pas que nous rendions service aux Québécois en approuvant de telles mesures, et les milliers de personnes qui m'ont écrit pour me faire connaître leur opposition à la suppression de l'article 93 ne le pensent pas non plus.

Honorables sénateurs, cette question me tient à coeur parce que ma province me tient à coeur. Je crains vivement qu'on ne donne pas aux Québécois l'occasion d'exprimer leurs points de vue et leurs opinions au sujet de cette modification importante. Dans son intervention du 9 décembre, le sénateur Grafstein a dit que tous les points de vue avaient été exprimés, que tout le monde avait été entendu, mais il a reconnu lui-même que le comité mixte avait entendu presque exclusivement les porte-parole des élites de la société québécoise, de la classe dirigeante.

Honorables sénateurs, il est difficile de répondre à la question de savoir qui représente qui.

Dans ma dernière intervention, j'ai signalé plusieurs cas où des individus n'avaient pas pu se faire entendre par les personnes en position de pouvoir. J'ai trouvé un autre exemple de ce phénomène sur mon bureau cette semaine. Je désire vous en faire part. La Fédération québécoise des associations foyers-écoles a écrit le 21 octobre à la Fédération des comités de parents de la province de Québec pour demander si les dirigeants de cette fédération avaient sollicité l'opinion de leurs membres. Elle n'a pas reçu de réponse. Le 27 octobre, Gary Stronach, le président de la fédération, a comparu devant le comité mixte. Lorsqu'on lui a posé la question, il a répondu qu'il n'avait pas consulté les parents pour savoir s'ils étaient en faveur de la modification à l'article 93 ou contre celle-ci. J'arrive à peine à y croire, honorables sénateurs. Cette fédération est mandatée par l'Assemblée nationale pour représenter tous les parents et toutes les écoles du Québec, mais elle a appuyé la suppression des droits concernant l'enseignement confessionnel sans consulter ses membres. Il semble que, jusqu'à maintenant, les parents du Québec n'ont pu exprimer leur opinion sur cette question.

Honorables sénateurs, en intervenant au Sénat aujourd'hui, je prends la parole au nom des citoyens de la province de Québec dont les droits sont directement touchés par la modification dont nous sommes saisis. Je puis parler en leur nom parce que j'ai reçu 3 714 signatures de personnes qui s'opposent avec véhémence à la suppression de l'article 93, laquelle compromet l'existence des écoles confessionnelles avant la tenue d'un débat sur cette question dans la province. Ces personnes ont aussi des opinions très arrêtées sur cette question. Elles ont même surmonté les inconvénients d'une grève des postes afin de s'assurer que leurs lettres arrivent à mon bureau à temps pour qu'il en soit tenu compte. Leur dévouement à cette cause et aux valeurs qui leurs sont chères est remarquable. Je les en félicite et j'exhorte tous les honorables sénateurs à faire de même.

Honorables sénateurs, je demande la permission de déposer ces signatures afin de reconnaître les efforts déployés par ces personnes. Je trouve qu'il s'agit là de preuves incontestables.

(1140)

Honorables sénateurs, je demande également la permission de déposer un document qui renferme 265 000 signatures. Ces 265 000 citoyens du Québec expriment leur opposition à l'abrogation de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, car ils veulent que les écoles confessionnelles soient maintenues et que des commissions scolaires linguistiques puissent être établies pour ceux qui le souhaitent. Ces signatures témoignent du point de vue des citoyens de la province de Québec sur cette question. Ces points de vue ne doivent pas être écartés du revers de la main.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, la permission est-elle accordée?

Des voix: D'accord.

(Les documents sont déposés.)

Le sénateur Wood: Honorables sénateurs, plus nous examinons cette réforme du système scolaire, plus elle apparaît comme une tentative de sociologie appliquée - tant dans le domaine religieux que dans le domaine linguistique.

Avant même que la résolution soit présentée au Sénat, les politiciens du Québec disaient que la réforme du système scolaire allait renforcer le réseau scolaire anglais de la province. Cette affirmation a fait son chemin dans les débats de la Chambre des communes et dans ceux du Sénat, et n'a pas encore été contestée. Les témoins qui ont comparu devant le comité mixte ont dit que les commissions scolaires linguistiques reflétaient mieux la société québécoise. Tout se passe comme si on demandait aux parlementaires de modifier la Constitution pour que le Québec puisse mieux répondre aux besoins, d'une part, de la communauté anglophone et, d'autre part, de ceux des groupes multiculturels.

Honorables sénateurs, la communauté anglophone du Québec ne semble pas profiter de cette réorganisation. En fait, le gouvernement du Québec ne donne rien à sa population anglophone en passant à des commissions scolaires linguistiques.

Certes, les écoles anglaises pourront regrouper leurs ressources, mais en échange de ce mince avantage, le réseau scolaire anglophone pourrait étouffer sous le poids de la réglementation qui lui sera imposée. Nous savons tous combien l'exercice d'un droit peut être difficile. Pensons aux obstacles incessants que la réglementation dresse devant le droit des anglophones à se faire soigner dans leur langue.

Recours au Règlement

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je vois que les pétitions mentionnées par le sénateur Wood ont été placées sur le plancher. À mon avis, c'est là un manque de respect. Les pétitions devraient être placées sur le bureau du Sénat.

Son Honneur le Président: On a invoqué le Règlement pour dire que ces pétitions devraient être sur le bureau. Y a-t-il de la place sur le bureau?

Si le Sénat le désire, elles peuvent être placées sur le bureau. Le greffier m'informe que les documents qui sont sur le bureau sont symboliques. Si vous le désirez, honorables sénateurs, nous pouvons faire cela.

L'honorable Noël A. Kinsella (chef adjoint suppléant de l'opposition): Honorables sénateurs, je propose que nous considérions que les pétitions sont sur le bureau.

Son Honneur le Président: Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs, pour que nous considérions que les pétitions sont sur le bureau?

Des voix: D'accord.

Son Honneur le Président: Veuillez continuer, sénateur Wood.

L'honorable Dalia Wood: Honorables sénateurs, le gouvernement péquiste comprend la philosophie qui consiste à diviser pour régner, affaiblissant constamment le soutien communautaire qui a permis à la minorité anglophone de survivre au Québec. Les signes sont clairs, honorables sénateurs. Il suffit de consulter les données du recensement publiées par Statistique Canada la semaine dernière. Les Québécois anglophones sont maintenant une minorité au sein d'une minorité. Dans son mémoire au comité mixte, Alliance Québec souligne que, depuis 1970, les inscriptions dans le système scolaire anglophone au Québec ont baissé de 60 p. 100 et qu'on a fermé 34 p. 100 des écoles faisant partie de ce système.

Le sénateur Grafstein nous dit qu'il est soulagé par le fait que les ministres Brassard et Marois sont venus devant le comité mixte et ont admis qu'ils étaient liés par la Loi constitutionnelle de 1982, que les Québécois anglophones seraient protégés par la Constitution. Toutefois, ce n'est pas là une consolation pour moi ni pour les Québécois anglophones.

Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, l'article 23 de la Charte des droits et libertés garantit le droit à l'enseignement dans la langue de la minorité. À cause d'un compromis politique, c'est-à-dire l'article 59 de la Loi constitutionnelle de 1982, l'alinéa 23(1)a) de la Charte ne s'appliquera pas au Québec tant que le gouvernement de cette province n'aura pas décidé d'en permettre l'application. Nous ne sommes pas ici aujourd'hui pour nous demander comment cette exemption a été accordée et pourquoi. Notre problème, c'est qu'elle existe et que des gens sont lésés à cause de cela.

Si le gouvernement du Québec voulait vraiment aider la population anglophone, il promulguerait l'alinéa 23(1)a) de la Charte. Cela, honorables sénateurs, ne se fera pas.

Le ministre québécois des Affaires intergouvernementales, Jacques Brassard, a clairement déclaré devant le comité mixte que l'alinéa 23(1)a) ne sera jamais appliqué au Québec. Cette province a fait un choix et les gouvernements provinciaux successifs n'ont jamais remis en question la loi 101, qui limite l'accès à l'école anglaise.

En vertu de la loi 101, seuls les enfants dont les parents sont des citoyens canadiens qui ont reçu leur éducation en anglais au Canada peuvent être inscrits dans les écoles anglaises. Quatre-vingt-dix-neuf pour cent des enfants dont les parents ne sont pas des citoyens canadiens n'ont pas accès à l'école anglaise.

J'invite les honorables sénateurs à lire le chapitre huit de la Charte de la langue française, la loi 101. Il s'agit de la section qui porte sur la langue d'instruction.

Dans son témoignage, M. Brassard a exprimé l'opinion que les droits historiques des anglophones du Québec n'étaient pas du tout enfreints par ces limites - que ces droits étaient parfaitement respectés. Je ne crois pas que ce soit le cas.

Son Honneur le Président: Je suis désolé d'interrompre l'honorable sénateur, mais ses 15 minutes sont écoulées.

Honorables sénateurs, y a-t-il consentement unanime pour permettre à l'honorable sénateur de continuer?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Wood: Honorables sénateurs, je ne crois pas non plus que nous respections les droits des néo-Canadiens de faire éduquer leurs enfants dans la langue de leur choix. Le Canada a signé des traités internationaux se rapportant à l'éducation et ces traités dénoncent la discrimination dans l'éducation.

Le gouvernement du Québec avait l'occasion rêvée de rectifier cette pratique discriminatoire. Il ne l'a pas fait et il ne le fera pas. Le gouvernement fédéral avait l'occasion rêvée de demander l'abolition de cette pratique discriminatoire. Il ne l'a pas saisie. Que cela soit compliqué ou non, honorables sénateurs, nous avons le devoir de protéger la minorité anglophone du Québec avant qu'il ne soit trop tard.

Honorables sénateurs, le gouvernement fédéral a le devoir d'agir de manière responsable en examinant cette modification. Il doit protéger toutes les minorités contre un effritement de leurs droits. On nous a dit à maintes occasions que nous ne créons pas de précédent en donnant le feu vert au Québec et à Terre-Neuve. Je suis tout à fait en désaccord. Le quotidien The Ottawa Citizen a déjà commencé à faire état de rumeurs concernant l'Ontario. Nous devons donc agir prudemment en étudiant le contexte de cette modification - les raisons pour lesquelles on nous demande de modifier la Constitution.

Dans le cas dont nous sommes saisis, tous les témoins qui ont comparu devant le comité et qui étaient en faveur de la modification ont fait valoir le même argument fondamental. Ils sont en faveur de la modification parce que les droits protégés en vertu de l'article 93 compliquaient l'établissement des commissions scolaires linguistiques et posaient un problème sur le plan administratif. Cela ne justifie pas la suppression catégorique des droits à l'enseignement confessionnel. Nous savons tous que la tâche d'un gouvernement n'est pas facile. La Constitution protège toutefois certains droits et empêche l'État d'y porter atteinte. Si nous laissons l'État supprimer les protections constitutionnelles qui existent lorsqu'il estime qu'elles sont trop compliquées ou coûteuses à gérer, qui sait quels droits feront ensuite l'objet d'une modification?

Je n'aurais jamais pensé que les garanties constitutionnelles canadiennes à l'égard de certains droits seraient un jour supprimées parce qu'elles sont compliquées sur le plan administratif. Comme si cela ne suffisait pas, honorables sénateurs, de nombreux témoins ont justifié la suppression de ces droits garantis par la Constitution en disant que, à leur avis, ces droits étaient discriminatoires. La protection des droits des catholiques et des protestants à un enseignement confessionnel ne serait plus acceptable dans une société tolérante et multiculturelle. Je peux comprendre qu'une société tolérante veuille éliminer le favoritisme et offrir une plus grande diversité de choix aux parents lorsqu'il est question de l'éducation de leurs enfants. Je ne peux toutefois pas accepter que des gens tolérants et qui appartiennent à divers groupes suppriment les droits à un enseignement confessionnel. Nous devrions étendre ou modifier ces droits de manière à ce qu'ils traduisent mieux la réalité sociale, mais nous ne devrions certainement pas obliger la société à procéder à un changement qu'elle n'est peut-être pas prête à mettre en oeuvre. Nous ignorons quels changements la société québécoise est prête à réaliser en ce qui concerne la religion dans les écoles. Ce débat n'a pas encore eu lieu. Il ne se produira qu'en 1999, année du renouvellement de la clause de dérogation que renferme la Loi sur l'instruction publique.

Honorables sénateurs, nous devrions nous garder d'abolir des droits constitutionnels tant qu'un débat public n'aura pas eu lieu sur la question. Nous créerions là un dangereux précédent.

Honorables sénateurs, les enjeux sont considérables. On nous demande de trouver un équilibre entre des intérêts concurrentiels, à savoir les intérêts des gouvernements provinciaux et les intérêts des citoyens canadiens. De la façon dont ce débat sera mené - des normes retenues notamment - dépendra la façon dont se déroulera tout débat à venir sur des affaires constitutionnelles.

Honorables sénateurs, telle est l'ampleur des décisions qu'on nous demande de prendre.

(1150)

Dans son discours au Sénat, le sénateur Kirby a dit qu'il hésitait à modifier la Constitution dans ce contexte, parce qu'il n'aimait pas l'idée de devoir conclure à partir de simples preuves circonstancielles. Pour ma part, j'estime qu'à défaut d'une preuve évidente que la population appuie une modification constitutionnelle aux droits des minorités, nous devrions nous abstenir. Le sénateur Kirby a raison, il y a tout lieu de demander au comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles d'établir les règles fondamentales qu'il convient de suivre à l'avenir lorsqu'il s'agit de modifications d'une telle importance. Toutefois, j'estime humblement qu'il a tort de dire que le Sénat devrait adopter les deux amendements dont il est saisi, celui du Québec et celui de Terre-Neuve, avant d'examiner comment nous devrions traiter les requêtes.

Honorables sénateurs, nous sommes d'abord et avant tout au service des Canadiens. En tant que protecteurs des droits des minorités, n'oublions jamais que les droits inscrits dans la Constitution du Canada n'appartiennent pas au gouvernement, mais aux Canadiens. Ces droits ne peuvent pas être sacrifiés aux priorités administratives des provinces.

Après l'adoption de la résolution par la Chambre des communes, de nombreux politiciens ont déclaré que cela représentait un pas important sur la voie de l'unité nationale et que la décision prise prouvait que le fédéralisme fonctionne. Honorables sénateurs, rien n'est plus éloigné de la vérité. Lorsque la Constitution du Canada devient un moyen de négociation entre divers niveaux de gouvernement, personne n'y gagne et surtout pas les citoyens qui devront vivre avec les conséquences des mesures adoptées.

Honorables sénateurs, les changements apportés à la Constitution en 1982 empêchent le Sénat de rejeter la résolution présentement à l'étude. La seule chose que nous puissions faire est d'exercer notre droit de veto suspensif. La population du Québec disposerait ainsi d'un délai de six mois pour s'informer des conséquences de la modification. Le débat public sur la question des droits des écoles confessionnelles pourrait s'engager immédiatement, avant que la Chambre des communes n'adopte à nouveau la résolution.

Si la population approuve la décision prise, la Chambre des communes pourra adopter à nouveau la résolution et les changements seront apportés. Si, toutefois, les Québécois rejettent la modification adoptée, le gouvernement du Québec et la Chambre des communes pourraient décider de la meilleure façon de procéder. Toutefois, honorables sénateurs, les citoyens de la province devraient avoir la chance de comprendre le débat et d'y participer. Nous devons bien cela à la population.

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, le sénateur Wood me permettrait-elle une question et une observation?

Le sénateur Wood: Oui.

Le sénateur Corbin: Sénateur Wood, vous avez déposé 250 000 pétitions. Je suis sûr que vous les avez examinées. Pouvez-vous me dire si elles représentent collectivement le point de vue d'un groupe? Viennent-elles d'une région? Si elles ont une large portée, représentent-elles diverses confessions religieuses? Si vous avez pu les examiner, à votre avis, qu'est-ce que cette action représente? Je suis sûr que vous n'avez pas sollicité ces pétitions et qu'elles vous ont été envoyées de façon spontanée.

Le sénateur Wood: Tout d'abord, je voudrais formuler une observation au sujet des 265 000 signatures que j'ai en ma possession. On a essayé de déposer les pétitions auprès du gouvernement du Québec. Il les a refusées. Il n'a pas voulu les examiner et les pétitionnaires se sont donc adressés à moi. J'ai aussi reçu environ 4 000 lettres et je continue d'en recevoir presque tous les jours. Ces pétitionnaires et correspondants disent qu'ils n'ont pas eu voix au chapitre. Ces lettres viennent de tout le Québec.

Le sénateur Corbin: Me dites-vous qu'on a essayé de les faire déposer à l'Assemblée nationale du Québec par un député, mais que la permission a été refusée? N'y a-t-il pas des dispositions dans le règlement de l'Assemblée nationale pour permettre le dépôt de pétitions?

Le sénateur Wood: On les a offertes à la ministre Marois et elle a refusé de les accepter. En fait, elle a refusé de rencontrer les pétitionnaires non pas à une reprise, mais à deux reprises. C'est ainsi que les pétitions ont abouti à mon bureau.

(Sur la motion du sénateur Beaudoin, le débat est ajourné.)

Terre-Neuve

Changements au système scolaire-Modification de la clause 17 de la Constitution-Étude du rapport du comité spécial-Suite du débat

L'ordre du jour appelle:

Reprise du débat sur la motion de l'honorable sénateur Fairbairn, c.p, appuyée par l'honorable sénateur Hébert, tendant à l'adoption du rapport du comité mixte spécial concernant la modification à la clause 17 des conditions de l'union de Terre-Neuve, déposé auprès du Greffier du Sénat le 5 décembre 1997.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, je désire répéter que nous nous sommes entendus pour que le deuxième sénateur à prendre la parole sur cette modification à la Constitution dispose de 45 minutes.

L'honorable C. William Doody: Honorables sénateurs, je ne pense pas que je prendrai tout ce temps-là, mais j'apprécie cette considération.

Le sénateur Fairbairn a parlé en détail, hier soir, du rapport du comité mixte que nous étudions, et je l'en félicite. Son discours était rempli de citations des nombreux témoins qui sont venus devant le comité. Toutefois, il ne contenait pas beaucoup de citations de l'archevêque MacDonald ou du pasteur Baston de l'Église pentecôtiste. Il n'y avait pas grand-chose non plus de M. Fagan, du comité de l'éducation catholique, ni de M. Regular, du comité de l'éducation pentecôtiste. Néanmoins, c'était une dissertation fort complète.

Honorables sénateurs, je n'ai pas l'intention de prendre trop de votre temps pour vous expliquer mes raisons de ne pas m'aligner sur le rapport, et de m'y opposer ainsi qu'à la résolution.

Lorsque le Sénat a été saisi de la résolution de création d'un comité mixte pour examiner la modification proposée à la clause 17, j'ai expliqué en détail pourquoi j'estimais que ce n'était pas correct. J'étais convaincu alors et les témoignages entendus au comité n'ont fait que renforcer mes convictions.

Honorables sénateurs, j'ajouterai que la création de comités mixtes pour traiter d'une question de ce genre n'est pas dans l'intérêt du Sénat. Le fait que les sénateurs soient écrasés sous le poids de la grande majorité des députés de la Chambre des communes ne permet pas au Sénat d'examiner la question de façon à bien s'acquitter de ses responsabilités dans l'étude de questions de cette nature. J'exhorte les honorables sénateurs à réfléchir attentivement avant de consentir à ce qui me semble être une tendance vers l'accroissement du nombre de comités mixtes.

En ce qui concerne les témoignages que nous avons entendus au comité, quiconque a assisté aux audiences, ou lu les transcriptions, ou examiné les résultats du référendum, ne peut s'empêcher d'être convaincu qu'une vaste majorité de la minorité pentecôtiste et une majorité de la minorité catholique romaine n'ont pas voté pour renoncer à leurs droits à l'enseignement confessionnel garantis dans l'entente de la Confédération de 1949. C'est de cela dont il s'agit, honorables sénateurs. Il s'agit des droits des minorités et, qui plus est, de la façon dont le Canada honore l'engagement qu'il a pris envers les minorités.

Ces droits des minorités étaient garantis dans une entente solennelle conclue entre le Canada et Terre-Neuve en 1949. M. Dion, ministre des Affaires intergouvernementales du Canada, insiste pour dire que les droits fondamentaux ne sont pas touchés par ces modifications. Mais «fondamentaux» pour qui? Les droits à l'enseignement religieux sont certes fondamentaux pour des milliers de Terre-Neuviens. Les dirigeants des minorités touchées ont exprimé abondamment et vigoureusement leur position lors des témoignages présentés au comité mixte. Les dirigeants de l'Église catholique romaine, dans le mémoire présenté par l'archevêque MacDonald au nom de ses trois confrères évêques de Terre-Neuve et du Labrador, de même que les pentecôtistes et les adventistes ont dit très clairement qu'ils n'acceptaient pas que leurs droits soient éteints par la modification proposée dont nous sommes saisis.

Dans son discours du 10 décembre, le sénateur Joyal a vigoureusement décrit l'autorité des évêques catholiques romains dans les questions liées à la foi et à la morale. Sans aller plus loin, je le remercie de son discours. L'autorité et la responsabilité des évêques catholiques romains de Terre-Neuve ne sont ni moins ni plus importantes que celles des évêques catholiques romains du Québec.

(1200)

Honorables sénateurs, j'aimerais décrire brièvement et sommairement les caractéristiques démographiques et géographiques de ma province. La situation des Assemblées de la Pentecôte du Canada est assez différente de celle des catholiques romains, parce que leurs membres sont moins nombreux et qu'ils ne sont pas dispersés dans toute la province. C'est encore plus vrai des adventistes du septième jour. Néanmoins, personne n'affirme sérieusement que la congrégation des Assemblées de la Pentecôte a manifesté un soutien important à la proposition de modification de la clause 17. Ce serait plutôt tout le contraire. Toutefois, dans le cas des Assemblées de la Pentecôte, qui ne représentent que 7 p. 100 de la population, il s'agit vraiment d'une minorité, et c'est encore plus vrai pour les adventistes du septième jour. Je crains qu'ils ne se retrouvent perdus dans la masse.

Les chiffres compilés par les pasteurs et autres représentants des Assemblées de la Pentecôte montrent clairement que la grande majorité de leurs fidèles ne sont pas favorables à l'abandon des droits des minorités protégés par la Constitution.

Revenons aux caractéristiques géographiques. Une grande partie de la population catholique romaine, contrairement aux communautés pentecôtistes ou adventistes, vit dans la presqu'île Avalon. Il y a beaucoup d'autres catholiques éparpillés aux quatre coins de l'île. On en trouve en nombres importants dans la presqu'île de Port au Port, dans le secteur de la baie St. George's, à Baie d'Espoir, dans l'île de St. Brendan's et dans la baie de Bonavista. On trouve aussi quelques petites collectivités dans Great Northern Peninsula et des plus importantes dans la presqu'île de Burin. Cependant, une grande partie de la population catholique est concentrée dans la presqu'île Avalon.

Il y a des douzaines de communautés établies le long de la côte sud, à partir de St. John's en allant vers Witless Bay, Bay Bulls, au sud de Trepassey et St. Shotts, autour de la baie St. Mary's, à Cape Shore, Placentia et dans une partie de la baie de la Conception, mieux connue sous le nom de Harbour Main, qui s'étend, en gros, de la ville de Holyrood à Brigus. C'est grosso modo la région que j'ai représentée à l'assemblée législative durant bien des années.

Ces dizaines de villes et de villages sont tous à prédominance catholique, et ce depuis des générations. Ils ont tous, pour citer la clause 17, un seul système scolaire avec possibilité d'accès à l'éducation et à l'observance de la religion. C'est assez près des termes utilisés dans la question référendaire. Cela fait des années que le système est ainsi et ils veulent qu'il le reste. En fait, honorables sénateurs, en février 1997, 24 000 enfants ont été inscrits par leurs parents dans des écoles catholiques. Quelque 4 000 enfants ont été inscrits par leurs parents dans des écoles pentecôtistes. Cela fut un procès commencé par le gouvernement de Terre-Neuve.

En 1993, quelque 50 000 catholiques ont demandé au gouvernement de leur permettre de continuer d'éduquer leurs enfants dans des écoles catholiques. Les 24 000 parents que je viens de mentionner représentent environ 60 p. 100 de la population catholique. Le reste, 40 p. 100, est réparti dans des collectivités où ils sont en trop petit nombre pour qu'ils puissent avoir une école «uniconfessionnelle», ou préfèrent que leurs enfants aillent dans une école «multiconfessionnelle» parce que c'est plus commode et que cela ne pose pas de problème.

Quoi qu'il en soit, quelque 24 000 enfants catholiques ont été inscrits par choix, et ce choix leur a été permis par le gouvernement de Terre-Neuve en février dernier. Ce que j'ai dit, au cours des remarques que j'ai faites au début de ce débat, est que le gouvernement de Terre-Neuve n'a pas tenu compte des souhaits de ces gens et a décidé unilatéralement de retirer les droits confessionnels dans le système scolaire.

À l'heure actuelle, dans la province de Terre-Neuve et du Labrador, 73,2 p. 100 des écoliers fréquentent une même école communautaire, soit une école pluriconfessionnelle, c'est-à-dire une école qui dessert au moins deux groupes religieux, ou une école uni-confessionnelle. Ce chiffre représente presque les trois quarts de la population scolaire de la province.

Je dois faire remarquer que, à Terre-Neuve, les catholiques et les pentecôtistes ne forment pas des blocs démographiques, De nombreuses localités dans la région de la baie Bonavista, de la baie Trinity, sur la côte sud, dans la péninsule nord, et autres, ont une population majoritairement protestante qui fréquente le système scolaire intégré. Elle fréquente également des écoles communautaires uniques. Toutefois, cela ne diminue en rien le fait que des blocs importants de catholiques, ou autres, permettent l'existence d'unités scolaires uni-confessionnelles économiquement viables. Les concentrations de population sont telles que ce n'est pas un problème d'offrir aux gens une école uniconfessionnelle s'ils le veulent, et beaucoup ont exprimé ce désir.

Les 73,2 p. 100 des écoliers qui fréquentent une école communautaire unique, et leurs parents, voyaient dans un «oui» au référendum la continuation du système qu'ils connaissaient. Soixante-treize pour cent d'entre eux fréquentent déjà une école communautaire unique où l'enseignement religieux et la pratique religieuse sont déjà une réalité. C'est pour cela qu'ils ont voté «oui». Beaucoup d'autres ont trouvé qu'ils n'avaient pas besoin de voter, à cause de cela et de l'inscription de février 1997, dont je viens de parler. La question qui figurait sur le bulletin de vote reflétait le système déjà en place. Permettez-moi de vous la lire, honorables sénateurs:

Appuyez-vous la mise sur pied d'un système scolaire unique où tous les enfants, peu importe leur affiliation religieuse, fréquenteraient les mêmes écoles où des dispositions seraient prises pour offrir l'enseignement religieux et permettre l'observance des préceptes religieux?
Cette question, honorables sénateurs, reflète précisément le système qui existe pour presque trois quarts de la population scolaire de la province, certainement depuis la Confédération, et depuis de nombreuses années avant cela.

Il semblerait que les 73 p. 100 de «oui» et les 47 p. 100 de gens qui n'ont pas voté ne constituent pas un résultat vraiment étonnant, compte tenu de la composition de bon nombre de collectivités et du système qui les dessert actuellement, et ce, depuis des générations.

Cela étant dit, je voudrais signaler l'énorme différence qu'il y a entre la question que je viens de lire et la nouvelle clause 17 qui a été rendue publique la veille même du vote par anticipation, une semaine avant la tenue du référendum. Elle se lit comme suit:

17. (1) En ce qui concerne la province de Terre-Neuve, la présente clause s'applique au lieu du paragraphe 93(3) de la Loi constitutionnelle de 1867.
(2) Dans la province de Terre-Neuve et pour cette province, la Législature a compétence exclusive pour légiférer en matière d'éducation, mais elle doit prévoir un enseignement religieux qui ne vise pas une religion en particulier et
(3) L'observance d'une religion doit être permise dans une école si les parents le demandent.
Selon moi, cela diffère grandement de la question qui figurait sur le bulletin de vote. Or, honorables sénateurs, telle est la question sur laquelle les électeurs de Terre-Neuve ont dû se prononcer. Et d'où venait la question? Était-elle le fruit d'une série de consultations entre les catégories de personnes visées et le gouvernement, ou entre les représentants intéressés et les comités confessionnels, d'une part, et le gouvernement, d'autre part? Non. Le système qui a abouti à cette question est celui auquel ont abondamment recours les experts qui oeuvrent dans les officines des ministères un peu partout au pays.

Quatre ou cinq questions et leurs variantes suffisent. On embauche une firme de relations publiques. On réunit des groupes de discussion. On scrute à la loupe les comptes rendus des discussions. On ramène la liste des questions à une seule, puis on l'examine sous toutes les coutures, on la peaufine, on la met au banc d'essai, jusqu'à ce que les experts décident que c'est la bonne. La question est rédigée de façon à ce que personne n'y trouve rien à redire et que le gouvernement, grâce à divers stratagèmes - sondages et tout le reste -, obtienne les résultats qu'il escompte. Ainsi, le premier ministre Tobin avait prédit avant le jour du référendum qu'il obtiendrait 70 p. 100 des voix. Ce processus a été financé à même les fonds publics, cet argent qu'on a refusé au camp du «non».

Honorables sénateurs, on a demandé à la population de confirmer un système déjà en place. Cependant, contrairement à la question, la clause proposée ne garantit pas que le système en place sera maintenu. Bien au contraire, elle garantit que tous les élèves désireux d'obtenir un enseignement religieux auront droit à un cours de religion conçu par l'État, qui ne sera certainement pas confessionnel. Je trouve tout bonnement exécrable cette notion de religion conçue, interprétée et enseignée par l'État. Elle n'a pas lieu d'exister au Canada et certainement pas à Terre-Neuve.

(1210)

Honorables sénateurs, certaines personnes en position d'autorité semblent croire qu'aucune religion ne devrait être enseignée dans les écoles. Un membre du comité nous a dit: «Nous devons éliminer la religion de nos vies, sauf dans nos vies personnelles et cela devrait rester extérieur à l'enseignement général que nous donnons à nos enfants.» Honorables sénateurs, cette idée est stupéfiante. C'est un énoncé étonnant et tout à fait contraire à la tradition, à l'histoire et à la culture de ma province.

Certaines personnes croient qu'il est inutile d'enseigner la religion dans les écoles. Le gouvernement de Terre-Neuve va bien au-delà de cela. Il entend élaborer lui-même un cours de religion qui sera donné à tous les élèves de la province, ou du moins à tous ceux qui le désirent. Il s'agira d'un cours élaboré,

rédigé et enseigné par le gouvernement, ce qui est vraiment surprenant. On concevra donc, selon les directives du gouvernement du jour, un programme de religion universel, qui pourra être élaboré, orienté, assemblé selon ce que les auteurs du cours jugeront approprié, en temps utile.

Beaucoup d'écoles à Terre-Neuve ont été construites en totalité ou en partie au moyen de fonds fournis par des ordres religieux, par différents groupes confessionnels et par les parents des enfants qui fréquentent ces écoles. De plus, un bon nombre d'entre elles sont construites sur des terrains appartenant à l'Église. Jusqu'ici, à ma connaissance, le gouvernement de Terre-Neuve n'a offert aucune indemnisation. Il a simplement déclaré que toutes ces écoles seraient multiconfessionnelles ou, plus précisément, des écoles publiques, et que la province s'en servira à son gré pour l'enseignement. Si le gouvernement de Terre-Neuve procède comme il l'entend au démantèlement du système confessionnel, j'espère qu'il le fera de manière honorable.

Je vais terminer en allant droit au coeur du sujet, c'est-à-dire le pacte solennel qu'ont conclu les représentants de Terre-Neuve et du Canada en 1949. Dans les débats qui ont eu lieu au congrès national de 1947-1948 convoqué pour décider de la voie dans laquelle Terre-Neuve devait s'engager, M. Smallwood a pris un engagement solennel en réponse à une adresse du major Cashin. Ce dernier était l'une des personnalités qui dirigeaient à l'époque la faction du gouvernement responsable de l'île. Ceux qui connaissent Smallwood vont le reconnaître immédiatement dans cette citation. Je suis sûr que le sénateur Petten, le sénateur Lewis et peut-être d'autres reconnaîtront le style. Voici ce qu'il a dit:

Le major Cashin nous dit que la Confédération sera une menace à notre système d'éducation et que des écoles non confessionnelles nous seraient imposées. Il n'y a eu à ce congrès depuis qu'il est en cours aucune affirmation qui est plus fausse que celle-là. Elle ne contient pas un mot, pas une syllabe, pas même une lettre qui soit vrai. Elle est complètement et absolument fausse, définitivement et certainement fausse. Entièrement et indéniablement fausse.

Je mets au défi n'importe quel citoyen de Terre-Neuve, vous comprenez bien, monsieur, n'importe quel citoyen de Terre-Neuve, de démontrer que notre système scolaire, notre système scolaire confessionnel, est le moindrement menacé par la Confédération. Je mets au défi n'importe quel citoyen de cette île de démontrer que tous les droits actuels de toutes les confessions ne sont pas complètement protégés par les conditions de la Confédération. Je vous le dis, aucune confession, aucun groupe confessionnel n'a la moindre raison de s'inquiéter là-dessus. Tous les droits actuels ont été entièrement garantis et protégés, exactement comme ils le sont aujourd'hui. Tout groupe confessionnel qui souhaite maintenir ses écoles avec l'aide des deniers publics peut continuer avec la Confédération à faire exactement comme il le faisait sans la Confédération. La Confédération n'aura aucune espèce d'effet sur notre système scolaire. Dire le contraire ou même faire douter du contraire est faux, indigne et malveillant.

S'il y a dans cette île un groupe confessionnel quelconque autorisé à tenir des écoles séparées qui craint en ce moment que ses droits seront mis en péril, que ce groupe le dise ou qu'il prenne les mesures voulues, car il n'y aura rien de plus simple et de plus facile au monde pour régler le problème une fois pour toutes. Je sais de quoi je parle. Je sais en grands détails, profondément, de quoi je parle, monsieur, et il y en a d'autres qui le savent aussi. Je vous le dis, qu'une personne en autorité me démontre que notre système d'écoles confessionnelles est en danger d'une manière quelconque, et je cesserai tout de suite d'appuyer la Confédération. J'irai même encore plus loin. Je m'opposerai à la Confédération avec autant de vigueur que je l'ai appuyée jusqu'ici. Donc si le major Cashin veut que je m'oppose à la Confédération, qu'il se mette à l'oeuvre et qu'il nous montre ces faits.

Ce passage est tiré directement du volume I des débats de Terre-Neuve, page 1442, le 28 janvier 1948.

Il ne fait absolument aucun doute que la population de Terre-Neuve pensait que ses droits confessionnels allaient être protégés. Ce qui ne signifie pas pour autant que les confessions qui voulaient être exclues de l'application de cette disposition n'ont pu le faire. En fait, plusieurs l'ont fait. Cependant, trois minorités, à savoir les catholiques romains, les pentecôtistes et les adventistes du septième jour ne se sont pas retirés. Ces groupes ont encore droit à la protection accordée par la Constitution, tant qu'ils ne décideront pas, par un vote tenu au sein de leur congrégation, qu'ils veulent être exclus de l'application de la disposition. S'ils prennent eux-mêmes cette décision, je n'ai aucune objection. Je ne dirai plus un mot. Toutefois, dans l'intervalle, il ne faut pas que ces groupes soient contraints par la majorité à prendre une décision hâtive, comme c'est actuellement le cas.

C'était ma position il y a quelques années, lorsque le premier ministre Wells avait téléphoné pour solliciter des appuis à la modification précédente visant la clause 17. Cette position est demeurée la même depuis, et elle ne changera pas. Cela dit, si la Chambre des communes avait fait preuve du même discernement que le Sénat lorsqu'il a accepté la modification «là où le nombre le justifie», nous ne serions peut-être pas pris avec ce gâchis.

Honorables sénateurs, nous en sommes là. Nous avons montré à tous, y compris à nous-mêmes, que nous respectons nos engagements envers les minorités. En 1949, nous, Terre-Neuviens, avons été convaincus par M. Smallwood, M. St. Laurent et d'autres que nous avions conclu un contrat solennel, une entente durable. Hélas, ce n'était pas le cas. On nous a fait la démonstration que la protection constitutionnelle accordée à une minorité ne vaut rien, puisqu'elle peut être supprimée par un vote de la majorité.

Cette entente, le pacte de la Confédération, n'a pas reçu un appui massif ni même très majoritaire de la part des Terre-Neuviens. En effet, à peine plus de 51 p. 100 d'entre eux ont voté en faveur de la Confédération. Aujourd'hui, on ne peut s'empêcher d'être impressionné par le scepticisme dont ont fait preuve les Terre-Neuviens à l'époque.

Quoi qu'il en soit, je pense avoir clairement expliqué mon point de vue. Vous savez sans doute que je ne vais appuyer ni le rapport, ni la modification proposée.

L'honorable John B. Stewart: L'honorable sénateur Doody pourrait-il m'aider en répondant à une question?

Le sénateur Doody: Je vais essayer.

Le sénateur Stewart: Je tiens à remercier le sénateur Doody d'avoir exposé éloquemment et succinctement sa position. C'est une question difficile dont le Sénat est saisi là. Je présume que le gouvernement et l'assemblée législative de Terre-Neuve n'ont pas pris la position qu'ils ont prise inconsidérément.

Le sénateur Doody voit-il des lacunes dans le système d'enseignement actuel de Terre-Neuve et du Labrador? Dans l'affirmative, quelles sont-elles et quelles mesures correctives propose-t-il?

Je ne pose la question pour la forme, je la pose sérieusement, car je pars de l'hypothèse que la proposition dont le Sénat est saisi ne nous a pas été présentée pour des raisons futiles. Le gouvernement de Terre-Neuve doit manifestement chercher à corriger certaines lacunes, à régler certains problèmes.

Y a-t-il des problèmes, à votre avis, sénateur Doody? S'il y en a, comment proposez-vous d'y remédier?

Le sénateur Doody: Bien sûr qu'il y a des problèmes, honorables sénateurs. Je conçois mal qu'il puisse exister un système où il n'y en a pas. N'oubliez pas que, peu après la Confédération et durant les années qui ont suivi, il y avait plus de 400 commissions scolaires dans la province de Terre-Neuve. Grâce à un effort de coopération, à des fusions et aux progrès réalisés dans le domaine des transports, le nombre de conseils a été réduit à 27, si je me souviens bien de ce qui a été dit lors de notre dernier débat sur la clause 17. Il est ensuite tombé à dix. Je crois que, si l'on compte le conseil des écoles francophones qui doit être créé bientôt, il y en aura maintenant 11.

Cela pose quand même certain problèmes du point de vue des dédoublements. On a mentionné dans le cadre des audiences deux collectivités qui avaient chacune deux écoles secondaires, alors qu'une seule pourrait suffire, à ce qu'on disait. Ils ont sans doute raison. Toutefois, les conseils catholique et intégré, d'une part, et les conseils pentecôtiste et intégré, d'autre part, ne sont pas arrivés à s'entendre. Je crois que 400 élèves sont touchés dans ce cas.

Ce processus me semble un moyen plutôt draconien de régler un problème administratif. Ce n'est pas parce que des récalcitrants refusent de coopérer qu'il faut sortir nos gros canons pour démolir tout le système.

Il existe d'autres formes de dédoublement aussi. À une certaine époque, tous les commissions scolaires recevaient une subvention proportionnelle au nombre de membres de leur communauté et ils devaient se charger de construire leurs propres écoles. Si on donnait un dollar à un groupe confessionnel, il fallait, dans le respect des proportions, en donner autant à un autre, qu'il ait besoin d'une autre école ou non. C'était un système absurde. Il existe maintenant une commission commune qui est chargée des constructions, et c'est elle qui décide si les écoles sont nécessaires et où elles seront situées. Ce ne sont pas les groupes confessionnels qui prendront ces décisions.

(1220)

Depuis quelques années, de grands progrès ont été accomplis dans la rationalisation et la modernisation du système. Ce n'est pas parfait pour l'instant, mais je vous assure que cela se rapprochera beaucoup plus de la perfection que l'organisation d'État qu'on prévoit mettre en place.

L'honorable Eymard G. Corbin: L'honorable sénateur Doody accepterait-il de répondre à une question?

Le sénateur Doody: Bien entendu.

Le sénateur Corbin: Je ne peux qu'être impressionné par l'argument que vous faites au nom des droits des minorités. Vous venez de dire qu'on s'attend à la création d'une commission scolaire de langue française distincte. Est-ce que cela est lié de quelque manière à l'adoption de la résolution par le Parlement canadien?

Le sénateur Doody: Non. Je crois savoir que le gouvernement actuel de Terre-Neuve a convenu avec les francophones - il y avait deux groupes différents, l'un sur la côte ouest de l'île et l'autre dans la région de St. John's - qu'ils auraient leur propre commission scolaire, ce qui n'a aucun lien avec la modification à l'étude. Les francophones n'ont jamais eu leur commission scolaire par le passé. Dans les différentes régions où ils habitaient, les francophones étaient pris en charge par le commission scolaire catholique sur la côte ouest, et par le conseil en place dans la région de St. John's, quel qu'il soit. Ils auront maintenant le droit de s'occuper de leurs propres affaires, avec leur propre conseil.

Le sénateur Corbin: Est-ce que ce commission scolaire francophone est lié de quelque manière au régime d'enseignement confessionnel ou est-ce une question tout à fait séparée de ces considérations?

Le sénateur Doody: Je crois comprendre que c'est une question tout à fait séparée de ces considérations. Les francophones auront une commission scolaire autonome qu'ils pourront diriger comme ils l'entendent. En fait, si cette modification est adoptée, leur commission sera très semblable aux dix autres commissions scolaires, puisqu'elles n'auront pas de caractère confessionnel.

Le sénateur Stewart: Honorables sénateurs, je ne veux pas insister, mais je connais la compétence du sénateur Doody en la matière et sa vaste connaissance de la situation politique à Terre-Neuve.

Étant donné la réponse que vous venez de me fournir, sénateur, où vous laissiez entendre que les problèmes que connaît le système actuel à Terre-Neuve sont mineurs et pourraient être réglés si les administrateurs acceptaient de collaborer, comment expliquez-vous, vous qui connaissez la politique à Terre-Neuve, le résultat du vote tenu à l'assemblée législative? Était-ce un accident de parcours? Qu'est-ce qui s'est passé?

Le sénateur Doody: Ce n'était certainement pas un accident de parcours. Je suis sûr que les députés à l'assemblée législative avaient tous de bonnes raisons de voter comme ils l'ont fait. Je peux simplement vous dire que, si je siégeais toujours à l'Assemblée législative de Terre-Neuve, il y aurait eu une voix dissidente.

L'honorable Jean B. Forest: Honorable sénateur Doody, pourriez-vous me préciser si, dans l'état actuel des choses, advenant que la clause 17 ne soit pas modifiée, des commissions non confessionnelles pourraient être créées si c'est ce que désirent les parents, des commissions sans aucun caractère confessionnel?

Le sénateur Doody: Dans le système actuel, appelé le système intégré, il y a des commissions qui représentent quatre ou cinq confessions protestantes. Il y a des commissions qui représentent les catholiques, d'autres, les pentecôtistes, et d'autres encore, l'Église adventiste du septième jour. Selon le système actuel, certains membres de ces commissions sont élus et d'autres sont nommés par leur groupe confessionnel. Pour changer la situation, il faudrait, j'imagine, que les Églises acceptent de se retirer des commissions scolaires. Je ne vois pas quel avantage cela procurerait.

Les parents sont encore représentés aux conseils. En fait, ils ont la majorité des représentants aux conseils. Chaque commission scolaire catholique, du moins c'est le cas dans la région de St. John's, compte au moins un membre du clergé. Il se peut fort bien qu'il y ait un représentant d'un ordre enseignant. Au conseil de St. John's-Est, il se peut fort bien qu'il y ait des représentants des Soeurs de la Miséricorde, de l'Ordre de la Présentation ou encore des Frères des Écoles chrétiennes. Je ne peux pas vous dire exactement. Toutefois, je sais que le système de nomination aux conseils a changé radicalement comparativement à la façon dont les choses se faisaient à mon époque. Le système est plus démocratique qu'il ne l'était.

On doit considérer la situation dans le contexte de son évolution. Le gouvernement du Royaume-Uni, qui a gouverné la colonie pendant tant d'années, non seulement n'était pas intéressé à instruire les habitants, mais s'y opposait plutôt catégoriquement. En fait, il existe des images et des dessins montrant les Britanniques en train de démolir des écoles. Les prêtres donnaient l'enseignement religieux dans les bois. Aujourd'hui, on voit encore des rochers où les prêtres célébraient la messe dans les bois, là où les autorités britanniques ne pouvaient pas les attraper. On trouve ces rochers à bien des endroits.

La première école a été construite par un membre de l'Église anglicane ou un prêcheur méthodiste venu d'Angleterre ou d'Irlande qui a construit une église et qui a ensuite construit une petite école. C'est de là que vient le système scolaire confessionnel. Il est né il y a des centaines d'années et n'a pas cessé d'évoluer depuis.

Dans les années 60, lorsque le député Clyde Wells, qui est devenu plus tard premier ministre, a soulevé cette question à l'assemblée législative afin de faire supprimer le système des écoles confessionnelles, il s'est fait gronder par le premier ministre de l'époque, M. Smallwood, en ces termes: «C'est un processus en développement, Clyde. Il a fallu des années jusqu'à maintenant et il faudra encore quelques années pour que cela se fasse correctement, mais cela viendra. Laisse aller les choses.» Ma foi, Clyde n'a pas écouté M. Smallwood et nous sommes aujourd'hui dans le pétrin.

Le sénateur Forest: Si je pose la question, c'est que la première fois que nous avons discuté de cette affaire, il a été question des gens qui ne veulent aucune éducation religieuse dans les écoles. J'avais cru comprendre alors qu'on pourrait, dans la situation actuelle, accommoder aussi le voeu de ces gens-là. Je voudrais que ce soit bien clair que c'est le cas.

Le sénateur Doody: Il en a toujours été ainsi, sénateur. Beaucoup d'enfants fréquentent une école d'une confession religieuse autre que la leur et les enfants qui n'appartiennent à aucune confession religieuse fréquentent aussi la même école. S'ils veulent aller à l'école, ils doivent fréquenter une école confessionnelle. Toutefois, aucun enfant n'est forcé d'assister aux cours d'instruction religieuse.

Il est souvent arrivé qu'un directeur demande une lettre des parents pour qu'un élève soit exempté d'un cours d'éducation religieuse. Cela fait sourciller dans certains milieux, car c'est discriminatoire conformément à la Charte. C'est isoler et différencier des élèves par rapport à la majorité des élèves de l'école. On me dit que cela pose un problème par rapport à la Charte. Je me réjouis de dire que j'ai aussi voté contre la Charte, en 1982.

[Français]

(1230)

L'honorable Serge Joyal: L'honorable sénateur a fait allusion à la position des évêques de l'Église catholique romaine et des évêques de l'Église pentecôtiste. Est-ce qu'il peut nous dire comment on peut concilier le résultat du référendum avec les positions prises par la hiérarchie de chacune de ces Églises? En d'autres mots, est-ce que vous avez analysé les résultats du référendum de manière à savoir comment les fidèles de ces Églises ont déterminé leur choix au moment où le référendum a été tenu dans la province de Terre-Neuve? Est-ce qu'on peut établir une relation entre le leadership religieux et la position prise par les fidèles de telle façon que nous puissions déterminer si on doit donner au référendum une crédibilité réelle?

Hier, l'honorable ministre Dion, à une question posée par l'honorable sénateur Lynch-Staunton, a répondu qu'il fallait évaluer la situation dans son ensemble et ne pas donner uniquement du poids à la position du leadership religieux. Est-ce que l'honorable sénateur peut nous éclairer là-dessus?

[Traduction]

Le sénateur Doody: Honorables sénateurs, j'ai essayé de le faire dans mon intervention. J'ai expliqué qu'il y avait des localités à une seule école, des localités à une seule confession religieuse et des communautés confessionnelles éparpillées un peu partout dans la province.

Bon nombre des gens qui ont voté l'ont fait en faveur de ce qu'ils avaient déjà. Ils ont voté pour avoir un système scolaire unique où il serait possible d'avoir des cours de religion et d'observer sa religion. Voilà ce pour quoi ils ont voté et ce qu'ils croyaient qu'ils allaient obtenir. Or, ils ont obtenu l'élimination de l'enseignement confessionnel.

L'honorable Nicholas W. Taylor: Honorables sénateurs, je voudrais poser une question au sénateur Doody.

Dans le cadre du système existant, est-ce que des commissions scolaires ou des écoles avaient le droit de refuser un non-croyant qui voulait fréquenter l'école? Il aurait pu s'agir de la seule école qui se puisse trouver à des milles à la ronde. La commission scolaire devait-elle accepter n'importe quel enfant en étant bien entendu qu'il n'aurait pas à suivre les cours de religion? Est-ce que des enfants ont eu à faire de longs déplacements simplement parce qu'une école ne voulait pas les accepter?

Le sénateur Doody: À ma connaissance, il n'y a jamais eu de cas d'élève qui ait été refusé à une école pour des raisons de confession religieuse.

L'honorable Philippe Deane Gigantès: Honorables sénateurs, je ne devrais vraiment pas participer au débat puisque je suis agnostique, et par conséquent membre en règle de l'Église d'Angleterre.

Son Honneur le Président: Est-ce là une question, honorable sénateur Gigantès?

Le sénateur Gigantès: Je voudrais demander au sénateur Doody comment il réussit à être si aimable.

Le sénateur Doody: C'est peut-être parce que je ne suis pas agnostique.

L'honorable P. Derek Lewis: Honorables sénateurs, le sénateur Doody a expliqué très clairement la situation à l'époque de l'entrée dans la Confédération. Je suppose qu'il n'a pas participé à ce vote, car il devait être trop jeune à ce moment-là.

Le sénateur Doody: Je m'incline devant mes aînés.

Le sénateur Lewis: Le sénateur Doody a dit comment les droits des écoles religieuses ont été consacrés. Pense-t-il alors que ces droits ne peuvent jamais être modifiés, même si la vaste majorité de la population le souhaite?

Le sénateur Doody: Honorables sénateurs, je l'ai déjà dit dans mes observations, et je suis heureux que le sénateur Lewis me donne l'occasion de revenir là-dessus. Ces droits ne sont jamais consacrés pour toujours. Cependant, à mon avis, ils ne peuvent être modifiés qu'avec la permission des intéressés. Si on veut enlever aux pentecôtistes le droit d'avoir leurs propres écoles, il faut d'abord le leur demander. S'ils répondent par l'affirmative, leurs écoles disparaîtront. Mais s'ils disent que ce droit leur a été accordé en 1949 et qu'ils souhaitent le conserver, il convient de le leur laisser. C'est aussi simple que cela.

Le sénateur Lewis: Cependant, les pentecôtistes n'avaient pas ce droit à ce moment-là.

Le sénateur Doody: Les pentecôtistes doivent dire un gros merci au sénateur Lewis, qui a parlé en leur nom en 1987.

Le sénateur Lewis: L'honorable sénateur est-il en train de nous dire que la résolution pourrait devenir une affaire de degré de majorité? La majorité devra-t-elle être de 50 p. 100 ou de 100 p. 100? Est-ce que c'est une affaire de chiffres?

Le sénateur Doody: C'est un débat qui dure depuis un certain temps. Même les gens qui sont à la tête de notre merveilleux pays, le gouvernement élu, ne semblent pas pouvoir s'entendre sur ce qu'il faut entendre par majorité, s'il s'agit de 51 p. 100, 65 p. 100 ou quoi. Le chiffre varie en fonction des humeurs des provinces.

À Terre-Neuve, le débat ne s'est jamais rendu là. On n'a jamais demandé aux pentecôtistes de voter sur le nouveau système scolaire. Ils étaient à la merci de la majorité de la population de Terre-Neuve, qui a décidé qu'elle n'avait pas besoin d'écoles confessionnelles. Ils ont leur propre système, qui marche bien. Personne ne les contredit, ils sont libres de faire ce qu'ils veulent. Cependant, les pentecôtistes et les adventistes du septième jour ne peuvent pas faire ce qu'ils veulent. La majorité leur impose sa décision même si leurs droits sont inscrits dans la Constitution.

Le sénateur Lewis: S'il fallait restreindre le vote à un ou des groupes particuliers, il faudrait alors identifier les membres de ces groupes.

Le sénateur Doody: Ce ne serait pas si terrible. Une personne pourrait se présenter dans un bureau de scrutin, s'inscrire comme pentecôtiste et obtenir un bulletin de vote. Cela s'apparenterait au système américain, où les gens déclarent leur allégeance aux élections primaires.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je voudrais demander au sénateur Doody, qui a également fait partie du comité et qui a été plus assidu que moi, s'il a entendu la moindre affirmation contredisant le mémoire qui nous a été présenté selon lequel, même si le taux de participation de l'ensemble a été faible, soit 53 p. 100, celui des catholiques avait été plus élevé que la moyenne et 61 ou 62 p. 100 d'entre eux avaient voté «non» au référendum. Deuxièmement, se souvient-il d'avoir entendu que le taux de participation des pentecôtistes avait été d'environ 70 p. 100, dont jusqu'à 82 ou 83 p. 100 avaient voté «non»?

Le sénateur Doody: Honorables sénateurs, ce sont bien là les chiffres dont je me rappelle. Les témoins pentecôtistes nous ont fourni des renseignements et même un mémoire exhaustif dont je recommande la lecture aux sénateurs. Nous avons également reçu un mémoire de la communauté catholique qui a exprimé ses opinions et ses craintes.

Il n'y a jamais eu la moindre indication que ces gens appuyaient solidement la modification proposée.

L'honorable A. Raynell Andreychuk: Honorables sénateurs, je voudrais demander une précision au sénateur Doody.

Si je comprends bien les principes d'une bonne démocratie, il y aurait une majorité dirigeante, y compris la majorité d'une minorité. Mais on ne devrait pas empiéter sur les droits d'une minorité s'il y avait un autre moyen de faire ce que la majorité veut.

Selon ce raisonnement, le sénateur Doody croit-il qu'il y avait et qu'il y a encore un autre moyen qui permettrait au gouvernement de Terre-Neuve de réaliser tout ce qu'il veut sans procéder à cette modification constitutionnelle qui retire vraiment les droits de certaines minorités qui ont dit tenir à ces droits?

Le sénateur Doody: Si le gouvernement de Terre-Neuve voulait améliorer la qualité de l'éducation dans la province, il pourrait le faire. Comme cela s'est produit au cours des dernières années, cela pourrait se faire au niveau de la collaboration, de l'administration et de l'amélioration du système.

Si le gouvernement de Terre-Neuve voulait éliminer l'enseignement religieux dans les écoles, surtout dans les écoles pentecôtistes, catholiques romaines et adventistes, il n'avait qu'un moyen: ce projet de loi radical.

[Français]

(1240)

L'honorable Fernand Robichaud: Honorables sénateurs, comment la minorité francophone de Terre-Neuve, qui est en majorité catholique, a-t-elle été traitée sous le système actuel?

Ne recevrait-elle pas un meilleur traitement suite aux amendements proposés aujourd'hui?

[Traduction]

Le sénateur Doody: Comme je viens de l'expliquer, il y a actuellement 10 commissions scolaires à Terre-Neuve et chacun administre ses propres écoles. Dans peu de temps, il y aura une onzième commission scolaire établie pour administrer les écoles françaises de la province. Les francophones mènent campagne pour cela depuis assez longtemps et ils l'ont finalement obtenu. Je les en félicite, car ils le méritent. Ils estiment qu'ils seront mieux servis par leur propre commission scolaire. C'est leur décision, c'est ce qu'ils réclamaient et ils l'ont obtenu.

Cependant, honorables sénateurs, je ne veux pas défendre le système. Le système scolaire de Terre-Neuve ne suscite pas chez moi beaucoup d'enthousiasme en ce moment.

(Sur la motion du sénateur Kinsella, le débat est ajourné.)

Régie interne, budgets et administration

Étude du septième rapport du comité-Ajournement du débat

Le Sénat procède à l'étude du septième rapport du comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration (le droit du sénateur Thompson d'utiliser les ressources du Sénat), présenté au Sénat le 9 décembre 1997.

L'honorable Bill Rompkey propose l'adoption du rapport.

- Honorables sénateurs, ce n'est une tâche agréable pour aucun d'entre nous, mais c'est une tâche nécessaire. Un sous-comité mixte du comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration ainsi que du comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure a présenté un rapport sur le sénateur Thompson.

En se fondant sur les recommandations contenues dans ce rapport, le comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration a recommandé que, compte tenu de ses absences répétées, qui l'empêchent de s'acquitter de ses fonctions et de ses responsabilités, les services de soutien auxquels il a normalement droit lui soient retirés. Cela inclut le budget - celui que reçoivent tous les sénateurs - les services de secrétariat, les frais de déplacement et de télécommunication ainsi que les fournitures.

Si le sénateur Thompson a des réserves au sujet du rapport ou s'il conteste cette décision, le rapport propose qu'on l'invite à comparaître devant le comité. Le meilleur avis possible a été donné à cet égard.

Honorables sénateurs, c'est là le point culminant d'une série d'événements. Cette histoire n'a pas commencé récemment, mais bien en août dernier, lorsque la régie interne, sous la présidence du sénateur Kenny, s'est penchée sur la question et a refusé l'augmentation de budget alors demandée par le sénateur Thompson.

Par la suite, le sénateur Kenny a rencontré officiellement le sénateur Thompson à titre de président du comité de la régie interne et il lui a fait part de l'insatisfaction des membres du comité et de nombreux sénateurs. Le sénateur Kenny a aussi expliqué au sénateur Thompson certains aspects de sa conduite qui étaient examinés. Il est question de ces aspects, je pense, dans le rapport dont vous êtes saisis aujourd'hui.

À mon avis, le sénateur Thompson est un cas à part. Je pense qu'il a manqué de respect envers le Sénat et envers ceux d'entre nous qui y siègent, qui prennent leur travail au sérieux et qui essaient de s'en acquitter le mieux possible. En tant que sénateurs et qu'individus qui respectent cette institution, nous avons le devoir d'agir comme nous le faisons.

L'honorable Lowell Murray: Honorables sénateurs, je n'ai pas grand-chose à dire au sujet de notre collègue, le sénateur Thompson. Il a peut-être fait ce que plusieurs sénateurs ont fait dans le passé et ce que plusieurs font encore actuellement - c'est-à-dire payer une amende lorsque leur nombre de jours d'absence dépasse le maximum autorisé en vertu de notre Règlement. À ma connaissance, il ne l'a toutefois pas fait. À un moment donné, il s'est peut-être également prévalu des dispositions concernant l'invalidité à long terme en cas de problème de santé, mais, à ma connaissance, il ne l'a pas fait non plus.

Honorables sénateurs, il est grand temps d'agir dans ce dossier. Il est regrettable que le sénateur Thompson n'ait pas lui-même pris les dispositions qui s'imposent. Comme il ne l'a pas fait, il est légitime que le Sénat agisse.

Je me contenterai d'ajouter que je suis persuadé que nos collègues, les membres du comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, se sont bien assurés que nous avons de solides motifs juridiques et constitutionnels pour mettre en oeuvre les recommandations contenues dans le rapport.

Si je prends maintenant la parole, honorables sénateurs, c'est pour parler succinctement de la question générale des présences et de l'absentéisme au Sénat. Je tiens à dire tout de suite que je ne parle au nom de personne d'autre que moi-même. Ce sont là des opinions strictement personnelles.

J'espère que dès le début du nouvel an, nous pourrons aborder, après les avoir reçues peut-être du comité du Règlement, du gouvernement, d'un autre sénateur ou d'un groupe de sénateurs, un ensemble de propositions qui nous permettront de résoudre certains de ces problèmes dont nous sommes tous conscients en ce qui concerne l'assiduité et l'absentéisme dans cette Chambre.

C'est un secret de polichinelle que les sénateurs des deux côtés se sont entretenus et s'entretiennent encore beaucoup entre eux de cette question, et le moment est venu de l'étaler au grand jour. Le moment est venu de déposer au Sénat un ensemble de propositions qu'il conviendrait, à mon avis, de soumettre au comité plénier, pour qu'elles fassent l'objet d'un vote par appel nominal.

Honorables sénateurs, j'estime que les citoyens du pays ont droit de notre part à au moins cette norme minimale de responsabilité.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Murray: J'aimerais vous décrire brièvement certains des aspects où, selon moi, nous devrions trouver une solution.

Premièrement, selon les conditions actuelles, un sénateur peut manquer 21 jours pendant une session du Parlement sans avoir à se justifier. À mon humble avis, on devrait réduire considérablement ce nombre de jours total. Il devrait s'appliquer à l'année civile, pour nous permettre de disposer d'un meilleur outil ou d'un meilleur critère pour juger et mesurer la question de l'assiduité et de l'absentéisme.

(1250)

Il est légitime pour un sénateur de s'absenter, notamment pour participer aux travaux d'un comité sénatorial ou d'un organisme parlementaire qui se déplace à l'extérieur de la capitale lorsque le Sénat siège. Cependant, je n'accepte pas du tout l'idée qui circule dans certains cercles, selon laquelle une présence à un comité équivaudrait à une présence au Sénat. Je ne veux pas trop insister, mais je ne crois pas qu'un honorable sénateur devrait avoir le droit, comme j'ai entendu une ou deux personnes le proposer, de se rendre à Ottawa pour siéger à un comité l'avant-midi, puis de reprendre l'avion pour retourner chez lui, ou chez elle, sans se présenter à la séance de l'après-midi au Sénat, et de compter sa présence au comité comme une présence au Sénat. Cela ne me semble pas du tout juste ou correct.

Il y a aussi la situation de ceux qui invoquent l'excuse des affaires de l'État pour s'absenter du Sénat. Dans l'état actuel des choses, un honorable sénateur peut invoquer les affaires de l'État comme motif d'absence aussi souvent qu'il ou elle le désire. Cette notion de «service de l'État» n'a jamais été définie. Un honorable sénateur n'est pas tenu d'expliquer la nature des affaires de l'État qui l'ont retenu à l'extérieur du Sénat. Ce n'est pas acceptable. L'excuse des «affaires de l'État» crée une échappatoire, une brèche assez large pour que toute une armée s'y engouffre et il faut la colmater.

Certains ont affirmé que le comité, le gouvernement ou les honorables sénateurs devraient essayer de définir ce que sont les «affaires de l'État». C'est peut-être possible. Je crois que ce sera très difficile. Je suis prêt à me laisser convaincre par une définition adéquate. Cependant, faute de parvenir à une telle définition, il faudrait fixer un plafond au nombre d'absences qu'un sénateur pourra justifier en invoquant les affaires de l'État, sauf pour les ministres de l'État car ils sont souvent appelés à se rendre à l'extérieur de la ville.

La pénalité pour avoir dépassé le maximum devrait également être revue. Elle ne l'a pas été depuis de très nombreuses années. En 1991, notre amie le sénateur Robertson, qui était alors présidente du comité du Règlement, a essayé en vain de rendre ces sanctions plus sévères. Sa proposition a été rejetée. Le Sénat doit rouvrir ce dossier.

Je sais que certaines personnes accusées d'absentéisme invoquent non seulement les affaires publiques, mais aussi, entre autres, le bon travail qu'elles font dans leur région et un peu partout dans le pays, ainsi que les organisations bénévoles auxquelles elles sont associées, comme raisons expliquant leur absence au Sénat. J'ose espérer que chacun d'entre nous fait tout ce qu'il peut pour prendre la défense des habitants de sa région et oeuvrer bénévolement pour des causes méritoires. Mais, honorables sénateurs, permettez-moi de vous rappeler le nombre de jours pendant lesquels le Sénat lui-même a siégé depuis 1989. Je parle d'années civiles. En 1989, il a siégé 48 jours; en 1990, 170 jours. C'était l'année de la TPS. En 1991, le Sénat a siégé 69 jours; en 1992, 71 jours; et en 1993, 47 jours. Je souligne que le Parlement a été dissous lorsque des élections ont été convoquées pour l'automne 1993. En 1994, le Sénat a siégé 62 jours; en 1995, 72 jours; en 1996, 67 jours; et en 1997, je pense qu'à ce jour, cela fait 62 jours.

Il doit être clair pour tous, honorables sénateurs, que ce calendrier de séances laisse amplement de temps pour travailler à des bonnes oeuvres. Pour faire toutes sortes de travaux, en réalité. Il reste entre 200 et 300 jours pour travailler dans l'intérêt de la région ou se livrer à des activités bénévoles.

Enfin, la question que j'aborde avec le plus d'hésitation est celle de la maladie comme motif légitime pour s'absenter du Sénat. Je le fais avec d'autant plus d'hésitation que nous savons tous que, parmi les sénateurs qui sont actuellement absents pour cause de maladie, se trouvent certains de nos collègues les plus respectés et les plus importants. Je songe aux sénateurs Ottenheimer, Balfour, Jean-Robert Gauthier et Lucier. Il faut aborder le sujet avec circonspection. J'ignore s'il y a abus ou non de ce motif d'absence. Il faudrait voir.

On a proposé dans certains milieux qu'un médecin spécial soit nommé pour délivrer les attestations dans certains cas. Ces propositions me répugnent. Si j'ai le malheur de tomber malade, et personne n'est à l'abri, je ne veux pas que les sénateurs examinent mes radiographies et mes analyses de sang. Et les médias encore moins. J'hésite à appuyer ce genre d'idée. J'estime toutefois qu'il y aurait peut-être lieu d'examiner nos dispositions sur l'invalidité à long terme pour voir si elles sont adéquates. Nous pourrions procéder comme on le fait dans de nombreux autres domaines: après un certain nombre de jours de maladie, nous serions obligés de passer à l'assurance-invalidité à long terme. Après cette période d'invalidité, il serait possible de revenir et de reprendre ses activités normales au Sénat.

Honorables sénateurs, ce sont là trois grandes questions - d'autres en trouveront certainement davantage - que nous devrions étudier, et étudier sans tarder.

Une chose est certaine. Le problème est plus large que le simple cas d'Andy Thompson. Ce problème concerne le Sénat, notre place dans le régime parlementaire et le respect qui est dû au Sénat. Je suis dans ma 19e année au Sénat. À mon humble avis, les quatre dernières années ont été une période plus constructive pour le Sénat, dans le processus parlementaire, que toute autre période que j'ai connue ici. Pourtant, le public se laisse distraire par des problèmes comme ceux que le sénateur Rompkey a été obligé de porter à notre attention aujourd'hui. J'estime que nous devons nous attaquer au problème plus général, et il serait très opportun de le faire dès notre retour, dans la nouvelle année.

L'honorable John B. Stewart: Honorables sénateurs, j'espère que le sénateur Murray ne va pas y couper.

Le sénateur Kinsella: Il n'y a pas de limite de temps.

Le sénateur Stewart: Il est rassurant de se faire dire qu'il n'y a pas de limite de temps le vendredi.

Le sénateur Murray a soulevé toute la question des nouvelles limites pour les absences. A-t-il tenu compte du problème que pose la taille du pays? Je suis originaire de l'est de la Nouvelle-Écosse. Il faut que je compte environ 4,5 heures pour venir à Ottawa, ce qui n'est pas trop mal. Cela ne représente qu'une journée de déplacements aller-retour par semaine. Il y a d'autres sénateurs de Terre-Neuve pour qui le voyage est encore plus long. Les sénateurs qui viennent de l'extrême Ouest du pays, une région qui prend de plus en plus d'importance, comme ceux d'entre nous qui participent à l'étude du commerce au Canada s'en rendent compte presque quotidiennement, doivent consacrer beaucoup d'heures à leurs déplacements.

(1300)

Voici où je veux en venir: des sénateurs partent d'un bout à l'autre du pays pour venir ici. Nous estimons souvent que le programme des travaux qui a été prévu pour la semaine est minimal. Tout cela convient très bien aux sénateurs qui habitent ce que j'appelle la «région TOM», Toronto, Ottawa et Montréal, surtout ceux qui habitent Ottawa ou les environs, qui peuvent arriver rapidement au Sénat, enregistrer leur présence et repartir, pour relaxer, comme les députés avaient l'habitude de le dire lorsqu'ils préconisaient l'abolition des séances en soirée. C'est une chose. Cependant, c'en est toute une autre, notamment pour les sénateurs qui viennent de l'extrême Est ou de l'extrême Ouest du pays.

Le sénateur Murray a-t-il tenu compte du fait qu'une simple demande de présence, qui peut être satisfaisante pour un sénateur qui habite la «région TOM», n'est pas satisfaisante pour un sénateur qui habite St. John's ou Vancouver? S'il en a tenu compte, a-t-il des propositions à formuler sur l'organisation des travaux du Sénat, de sorte que, lorsqu'un sénateur arrive, par exemple, de St. John's ou de Vancouver, le programme du Sénat justifie la dépense de fonds publics pour les déplacements qui sont nécessaires?

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, je suis conscient du problème. Je n'ai pas de suggestion particulière à faire quant à la façon de réorganiser nos travaux de manière à en tenir dûment compte. Le fait est que nous sommes dans une très grande mesure tributaires des questions dont nous sommes saisis par la Chambre des communes, notamment des mesures législatives émanant du gouvernement. Je sais que certaines suggestions ont été faites, et notre collègue le sénateur Kenny y travaille, en ce qui concerne un calendrier fixe qui, à ce que je comprends, consisterait à siéger deux semaines et à ajourner deux semaines. Cette idée ne me plaît pas beaucoup parce que quand nous sommes saisis par la Chambre des communes de mesures législatives émanant du gouvernement, j'estime que nous devrions être ici pour les examiner - non pas simplement pour les approuver, mais pour les examiner.

Deuxièmement, je suis étonné, et ce n'est pas d'aujourd'hui, de la fatigue physique à laquelle sont soumis les parlementaires qui habitent dans l'Ouest du Canada. Car rentrer à la maison, ce n'est pas seulement prendre un vol relativement confortable sur un appareil d'une compagnie régulière à destination de Saskatoon, Regina, Calgary, Edmonton ou Vancouver. Dans beaucoup de cas, il faut prendre une correspondance pour une autre destination au nord, au sud, à l'est ou à l'ouest de ces villes, ou faire trois heures de route en voiture. La fatigue physique que subissent ces parlementaires est incroyable. L'un d'eux m'a dit il y a quelques années qu'il était toujours sous l'effet du décalage horaire.

Cependant, comme je l'ai dit à mes collègues, nous ne sommes pas au Sénat dans une situation différente de celle où se trouvent nos collègues de la Chambre des communes - en fait, nous serions plutôt mieux lotis. Nous insistons, et je suis le premier à le faire, pour que l'on assure une parité raisonnable en ce qui concerne la paie, les dépenses, et cetera, ainsi qu'une indemnité raisonnable à ceux - dont je ne fais pas partie - qui doivent encourir des frais supplémentaires pour venir travailler à Ottawa. Je suis ouvert à toute suggestion raisonnable susceptible de faciliter la vie et de prolonger l'espérance de vie de nos collègues de l'Ouest.

C'est une courte réponse à la question posée par l'honorable sénateur.

L'honorable Willie Adams: Honorables sénateurs, je vis toujours au Canada, mais je vis sans doute plus loin d'Ottawa que n'importe quel autre sénateur.

Je n'approuve pas tout ce que dit le sénateur Murray au sujet de la présence des sénateurs au Sénat. Je ne suis pas très heureux de ce qu'on a dit au sujet du travail que font les sénateurs à l'extérieur de l'enceinte du Sénat, non seulement dans les comités, mais ailleurs également. Nous sommes membres du Sénat, dont le siège se trouve à Ottawa, mais nous avons aussi des responsabilités envers les personnes qui ne vivent pas dans la capitale. Le sénateur Watt, par exemple, s'est rendu à Terre-Neuve il y a deux semaines, à l'invitation de certains organismes. Bien que je n'aie pas reçu d'invitation, j'y suis allé quand même car il était question du Canada.

Dès ma nomination au Sénat, j'ai décidé que si j'étais invité à aller quelque part, même à l'étranger, j'accepterais l'invitation dans la mesure où mon déplacement servirait les intérêts du Canada, même si l'objet du voyage ne faisait pas partie des travaux du Sénat.

Si quelqu'un est malade, cela regarde le médecin. Ce n'est pas notre affaire. Il ne nous appartient pas d'aller voir le sénateur Lucier pour lui demander s'il est vraiment malade. Le sénateur Lucier ne peut pas venir au Sénat parce qu'il est malade depuis plus de dix ans.

Je ne suis pas au courant du cas du sénateur Thompson. Je ne peux pas aller le voir pour m'informer de son état de santé. Lorsque le premier ministre m'a nommé au Sénat en 1977, il m'a dit que je n'étais pas obligé d'être toujours présent au Sénat si cela ne me convenait pas ou si d'autres responsabilités m'en empêchaient.

Quoi qu'il en soit, je crois que nous faisons du bon travail en comité. Je ne comprends pas pourquoi il y a tant de règlements. Si quelqu'un en santé n'est pas heureux au Sénat, il peut toujours démissionner. C'est à lui que revient la décision.

Voilà ce que j'en pense, honorables sénateurs.

(1310)

Son Honneur le Président: Je croyais que le sénateur Adams allait poser une question. Il a fait une observation.

Y a-t-il d'autres questions à poser au sénateur Murray?

L'honorable Anne C. Cools: Honorables sénateurs, de toute évidence, le sénateur Murray a fait des calculs concernant les présences au Sénat pour évaluer notre rendement. Je me demande toutefois s'il a tenu compte de deux facteurs dans ses calculs. Premièrement, à quelle fréquence demande-t-on s'il y a quorum au Sénat, et à quelle fréquence le demande-t-on à la Chambre des communes? Comment se comparent les deux Chambres sur le plan de l'assiduité?

Deuxièmement, comment se compare l'assistance moyenne aux séances du Sénat comparativement à celle de la Chambre des communes? D'après ce que j'en sais, les sénateurs ont un taux de présence assez respectable par rapport aux membres d'autres assemblées législatives et parlements.

Nous devons faire bien attention de ne pas nous déprécier injustement, parce que la question dont nous sommes saisis porte sur le cas particulier du sénateur Thompson; il ne s'agit pas de critiquer l'assiduité de tous les sénateurs.

Le sénateur Murray: Honorables sénateurs, depuis que je siège ici, je me souviens d'une fois où l'on a signalé qu'il n'y avait pas quorum au Sénat, mais c'est probablement arrivé à d'autres occasions. Je me souviens aussi d'une fois où l'on avait signalé l'absence de quorum à l'autre endroit.

Il n'y a aucun moyen de savoir comment nous nous classons par rapport à la Chambre des communes. Je ne sais pas non plus ce qu'il en est des autres assemblées législatives. Je sais cependant qu'il existe un moyen de connaître l'assiduité des sénateurs, car notre situation est particulière. Nous n'avons pas été élus. Nous n'avons pas à visiter périodiquement nos électeurs afin de nous faire réélire, et nous n'avons pas à donner de raisons de notre présence au Parlement, ou de notre absence, ni à justifier aucune autre activité. En ce sens, nous n'avons pas de comptes à rendre.

Je trouve par conséquent qu'il est juste et compréhensible que la population et même les médias vérifient l'usage que nous faisons de ce privilège que nous avons de les représenter au Parlement. Je reconnais qu'une forte majorité des sénateurs s'acquittent de leurs tâches d'une façon consciencieuse. Cependant, cela ne nous dispense pas de la responsabilité de mettre en place des règles qui garantissent un minimum de rendement.

Le sénateur Cools: Depuis que je suis au Sénat, je ne me souviens que d'une seule occasion où l'on a dû demander le quorum. Avec tout le respect que je dois aux sénateurs, je dis que c'est un véritable exploit, et je crois sincèrement que nous devons faire de notre mieux pour continuer dans la même veine. Même si le nombre des sénateurs représente le tiers du nombre des députés, le nombre exigé pour constituer un quorum est à peu près le même: au Sénat, le quorum est de 15 sénateurs, tandis qu'à la Chambre, le nombre est 20.

Le sénateur Murray a répondu à ma question en disant qu'il ne savait pas au juste combien de fois on avait demandé s'il y avait quorum. J'entends assez souvent le timbre de la Chambre des communes qui retentit pour appeler les députés à cette fin. Le sénateur Murray pourrait le confirmer.

Le sénateur Murray: Le sénateur Fairbairn est plus en mesure que moi de traiter ces questions, mais je crois que les whips de l'autre endroit peuvent appuyer sur un bouton pour faire retentir le timbre dans les bureaux des députés et leur signaler l'absence de quorum, afin qu'ils se présentent au plus tôt à la Chambre. Cela revêt une importance encore plus grande du côté du gouvernement, qui doit veiller à ce qu'il y ait toujours quorum.

Comme des honorables sénateurs s'empressent de le souligner, on fait aussi de l'excellent travail en comité.

D'après mon expérience, pouvoir servir le pays au Sénat est un grand privilège qui nous est accordé et ce, jusqu'à ce nous atteignions l'âge de 75 ans. Il est inacceptable que les leaders, que ce soit du côté du gouvernement ou du côté de l'opposition, doivent supplier des honorables sénateurs pour qu'ils participent à un vote, à un débat ou aux travaux d'un comité.

Des voix: Bravo!

Le sénateur Cools: On nous rappelle souvent que nous ne sommes pas élus. Cependant, je serais disposée à comparer les heures de travail que certains d'entre nous fournissons ici, la somme de travail que nous accomplissons et le nombre de personnes qui nous appuient avec ce qui se fait à la Chambre, avec n'importe quel député, n'importe quand. Il est ennuyeux de toujours entendre que nous ne pouvons faire ceci ou cela sous prétexte que nous ne sommes pas élus.

Franchement, ce prétexte est éculé. Il faut reconnaître que nous formons un élément constituant du Parlement et que nous avons un rôle à jouer. Honorables sénateurs, je pense que nous devrions être fiers de nous-mêmes. À mon avis, la plupart d'entre nous méritons d'excellentes notes pour ce qui est des présences et du travail accompli. Bravo à nous!

L'honorable Colin Kenny: Honorables sénateurs, je tiens à formuler des observations sur quelques petites remarques que j'ai entendues aujourd'hui. Je ne veux certes pas oublier de parler du rapport du sénateur Rompkey, mais les propos du sénateur Murray sont frappants et intéressants et je me sens obligé de dire un mot ou deux au sujet de ses observations.

En ce qui concerne son observation sur le nombre d'absences auquel nous avons droit chaque session, je suis tout à fait d'accord avec lui, même si je ne partage pas la solution qu'il a proposée qui était basée sur un nombre de jours de présence par année. Je crois qu'il serait préférable d'adopter un ratio en fonction du nombre de jours de séance plutôt que de se baser sur l'année civile. Cependant, nous n'avons pas le pouvoir d'apporter ce changement. Cela exige des modifications à la Loi sur le Parlement du Canada, que certains d'entre nous réclament depuis un certain temps. En particulier, lorsqu'on s'est penché sur la Loi du Parlement du Canada au cours de cette session, certains d'entre nous ont dit vouloir un ajustement alors, mais nous n'avons pas réussi à l'obtenir.

Il y a quelques années, le Sénat a déployé de gros efforts pour qu'on enregistre mieux les présences. Vous vous rappelez que nos présences avaient pour habitude de figurer seulement sur la première page du hansard et que cela représentait très mal nos présences au Sénat. Nous sommes ensuite passés à un système qui décrivait les diverses façons pour un sénateur d'être considéré comme présent.

Je ne peux voir d'ici s'il y a des membres de la presse à la tribune, mais je crois pouvoir affirmer qu'il n'y en a pas.

Le sénateur Carstairs: J'en vois un.

Le sénateur Kenny: Je reconnais mon erreur. Je ne parlerai pas des présences des membres de la presse au Sénat. Ce ne serait pas équitable.

Je tiens à dire que les journalistes ne rapportent pas les autres travaux qui sont effectués au Sénat, qui sont enregistrés et auxquels ils ont accès chaque fois qu'ils demandent au greffier le registre des présences. Vous savez que cela comprend les présences aux comités, qu'ils siègent ici ou qu'ils parcourent le pays, les présences à des activités qu'on pourrait appeler des «affaires de l'État» et la participation à des délégations parlementaires. Les médias n'ont parlé jusqu'à maintenant que des présences au Sénat même.

(1320)

Nous savons tous que notre présence ici, dans cette Chambre, n'est qu'une partie de notre présence et de notre travail au Sénat. Cette question mérite notre pleine attention. Si nous proposons un changement à la façon dont on note notre présence, cela pourrait éveiller les soupçons. Toutefois, cela dit, il est très clair que la question de notre présence dans cette Chambre n'est que la partie émergée de l'iceberg.

Ceux d'entre vous qui traitent directement de projets de loi privés, comme je l'ai fait récemment, ont l'occasion de parler pendant 45 minutes dans cette enceinte. Pourtant, il vous a peut-être fallu 45 jours pour préparer cette mesure et, croyez-moi, c'est de la présence tout autant que le reste.

Pour en revenir au commentaire du sénateur Murray, qui disait que le fait d'assister à une séance de comité était équivalent à la présence ici, je suis tout à fait d'accord, pourvu que le comité siège ici, à Ottawa. Toutefois, si le comité siège à l'extérieur d'Ottawa, cela compte aussi, et j'imagine que c'est ce qu'il voulait dire. Si nous avons une séance de comité à Vancouver, sur une mesure législative ou un rapport, cela compte également, et les sénateurs membres du comité servent la population canadienne tout autant que les sénateurs assis ici, dans leur fauteuil.

En ce qui concerne les autres affaires publiques, moi aussi j'ai quelques inquiétudes, mais je suppose que la solution est assez simple. Les sénateurs doivent pouvoir faire un lien entre leurs affaires publiques et le travail du Sénat. Si vous ne préparez pas une mesure législative ou un discours ou quelque travail de comité, alors ce n'est pas une affaire publique en relation avec ce que vous faites au Sénat. Donc, cela ne doit pas compter comme un jour de congé.

Par contre, si vous faites quelque chose qui a un rapport avec le travail du Sénat, cela doit compter comme affaire publique, étant entendu que des affaires publiques doivent être réellement publiques.

Il y a, sénateur Murray, un registre des affaires publiques. C'est le greffier qui l'a. Les sénateurs doivent informer le greffier de la nature et du lieu de leurs affaires publiques.

Le sénateur Murray: Il n'y a pas d'exigence semblable.

Le sénateur Kenny: Qui a dit ça? Levez-vous et dites-moi que ce n'est pas vrai.

L'honorable Orville H. Phillips: Quel article du Règlement citez-vous?

Le sénateur Kenny: C'est fort simple. J'ai vu ces données inscrites. Le greffier peut vérifier qui s'occupe d'affaires publiques, à quel moment et à quel endroit. Cela est prévu dans le Règlement du Sénat. Je ne l'ai pas devant moi, mais c'est un fait. Si vous ne déclarez pas d'affaires publiques, on vous a coupé une journée. C'est aussi simple que cela.

Si vous vous occupez d'affaires publiques et que vous le déclariez à ce titre, le public devrait pouvoir le vérifier quelque part. Maintenant, il y a un problème, et cela concerne les activités partisanes.

Le sénateur Phillips: Sénateur Kenny, vous m'avez invité à me lever, et je vous ai demandé quel article du Règlement vous citiez. À ma connaissance, la seule exigence consiste à dire que l'on s'occupait d'une affaire publique. Je ne pense pas qu'il soit juste qu'un sénateur assez actif sur le plan politique doive dire au greffier, aux fins d'inscription dans un registre public, quelle était la nature de ses activités politiques. En outre, je suis complètement en désaccord avec vous quant à votre interprétation d'affaire publique, et j'en dirai plus à cet égard tout à l'heure.

Le sénateur Kenny: Je remercie le sénateur. J'apprécie ses observations. Comme toujours, je l'écoute attentivement quand il prend la parole. Je pense que notre désaccord n'est pas si grand.

Je disais que les affaires publiques se divisaient en deux catégories. La première concerne les activités liées aux travaux du Sénat et, si un sénateur est à l'extérieur, il convient qu'il le soit si son activité a trait à une question dont sera saisi plus tard le Sénat.

Avant que vous ne preniez la parole, j'étais sur le point de passer à la seconde catégorie, qui a trait aux activités partisanes. J'estime que cela est tout à fait différent. Pour ces questions-là, il devrait suffire que le sénateur dise qu'il avait des activités partisanes. Sans entrer dans le détail de ce que nous faisons dans ce domaine, ce qui ne serait pas une bonne idée selon moi, notons qu'il y a deux aspects distincts qui se rapportent aux affaires d'intérêt public.

En ce qui concerne la majoration des amendes, je serais en faveur dans la mesure où les salaires augmenteront aussi. Mais je crois que cela ne sera pas pour demain; par conséquent, je ne suis pas d'accord avec la majoration des amendes pour le moment.

Si vous me le permettez, honorables sénateurs, j'aimerais maintenant passer au rapport du sénateur Rompkey, qui est actuellement à l'étude.

Le sénateur Stewart: Auriez-vous l'obligeance d'aborder la question que j'ai portée à l'attention du sénateur Murray, soit le rapport qui existe entre l'obligation de faire acte de présence et la facilité toute relative que les sénateurs ont de se déplacer pour ce faire, selon qu'ils habitent Ottawa ou qu'ils viennent d'aussi loin que Vancouver ou St. John's?

Le sénateur Kenny: Je me ferai un plaisir d'aborder cette question, sénateur Stewart. Il s'agit d'une question frustrante qui touche un grand nombre de nos collègues. J'y ai longuement réfléchi. Le sénateur Murray a fait allusion au document que j'ai rédigé et fait circuler à tous les sénateurs l'été dernier, dans lequel je proposais un système, si je peux m'exprimer ainsi, qui pourrait aider à réduire au minimum le nombre de déplacements que les sénateurs doivent faire pour venir à Ottawa.

L'avantage de ce plan est qu'il permettrait au Sénat d'économiser de l'argent. Il permettrait de réduire le nombre de voyages nécessaires pour venir à Ottawa. Cela voudrait dire que le Sénat ferait des semaines de cinq jours au lieu de trois jours, ce qui, à mon avis, est important. Cela voudrait dire que le nombre d'heures dont disposerait le gouvernement pour l'étude de mesures au Sénat serait considérablement accru, et cela voudrait dire aussi que le nombre d'heures dont disposeraient les comités pour leurs travaux, qui, selon moi, constituent l'essentiel des travaux du Sénat, doublerait presque.

Je croyais que ce plan avait un certain mérite. Une autre caractéristique digne de mention, c'est que les économies résultant du nombre réduit de voyages pourraient servir à verser une indemnité de logement aux sénateurs qui viennent de loin. Il est insensé que les sénateurs viennent ici et n'aient pas droit à une forme quelconque d'indemnité comme celle qui existe à l'autre endroit. C'était là un effort pour essayer de répondre à cette préoccupation.

Essentiellement, le plan voulait que les sénateurs soient ici pendant treize jours d'affilée, avec deux semaines de cinq jours de séance. De cette façon, nous réduirions le nombre de voyages. C'est une solution imparfaite; cela voudrait quand même dire que les sénateurs seraient loin de leur famille neuf ou dix week-ends par année, mais je croyais que l'idée méritait d'être examinée de plus près. Pour l'instant, j'attends encore une première réaction, soit pour critiquer ou pour commenter mon rapport. Ce silence m'en dit long sur l'enthousiasme que le rapport a suscité.

À propos du rapport du comité de la régie interne proposé par le sénateur Rompkey, au printemps de cette année, on a tenté à plusieurs reprises de communiquer avec le sénateur Thompson, mais en vain. Le 12 août dernier, le comité de la régie interne a fait un examen approfondi de la question, se penchant sur tous les éléments inclus dans le septième rapport. Le comité a décidé à ce moment-là de limiter la capacité du sénateur Thompson d'utiliser son budget de recherche et a demandé au greffier de l'en aviser.

Le sénateur Thompson a également été avisé que, s'il n'était pas satisfait de cette décision, il pouvait en appeler, mais qu'il devait le faire ici même, au Sénat. Il n'y a pas d'autre endroit qui convienne mieux pour en appeler de cette décision.

(1330)

Le comité m'a aussi ordonné de rencontrer le sénateur Thompson le plus tôt possible et de l'informer de façon officielle que le comité allait étudier la question d'une façon plus approfondie dans 30 jours, et qu'il était disposé à prendre des mesures si le sénateur Thompson ne se présentait pas au Sénat, ou s'il n'expliquait pas de façon plus convaincante son absence continue.

Par la suite, le sénateur Thompson a demandé à me rencontrer juste avant le discours du Trône. Nous avons eu une rencontre de plus d'une heure ce jour-là. Au cours de la rencontre, j'ai informé le sénateur Thompson que les sénateurs des deux côtés souhaitaient qu'il revienne et qu'il soit présent au Sénat. Je lui ai dit qu'il serait le bienvenu au sein du caucus libéral, qu'un grand nombre de membres du caucus se souvenaient avec bonheur de la qualité de ses discours, et qu'il serait bien accueilli s'il revenait prendre sa place.

Le sénateur Thompson m'a demandé si le comité pouvait limiter son pouvoir discrétionnaire relativement au budget de recherche. Je lui ai répondu que, s'il n'était pas d'accord avec cette mesure, il devrait venir au Sénat pour contester cette décision. Il a ensuite ajouté qu'il se sentait beaucoup mieux et qu'il prévoyait assister régulièrement aux séances du Sénat cet automne. Nous nous sommes quittés sur cette note.

Comme nous le savons tous, le sénateur Thompson ne s'est pas présenté, et c'est la raison pour laquelle j'appuie le rapport dont nous discutons. Il est clair dans mon esprit que, si le sénateur Thompson n'est pas présent au Sénat, il n'a pas besoin des outils fournis à ceux qui le sont.

Le sénateur Phillips: Honorables sénateurs, je faisais partie du comité du Règlement il y a plusieurs années - je ne me rappelle malheureusement pas combien - lorsque nous avons commencé à discuter de la question des présences. Nous avons formulé l'idée de tenir un registre mensuel et l'avons présentée au Sénat. Je trouve assez agaçant de voir le même journaliste dire que le Sénat a commencé à enregistrer les présences en 1990. Il n'en est rien, honorables sénateurs. Le Sénat a enregistré les présences dès le premier jour de sa création. Si ce journaliste avait été intéressé à bien connaître le fonctionnement du Sénat, il aurait pris le temps de réunir quelques faits.

Honorables sénateurs, le problème auquel nous faisions face au comité du Règlement à l'époque, c'est qu'il y avait parfois des cas de non-présence. Autre problème, il arrivait que des sénateurs se présentent à la porte du Sénat pour faire pointer leur nom, puis partaient. On a mis un frein à cela dans une certaine mesure, mais cela se produit encore. La plupart des honorables sénateurs avoueront qu'ils l'ont déjà fait à l'occasion. S'ils doivent prendre un avion, ils se présenteront à la porte pour faire pointer leur nom, puis se dépêcheront d'aller prendre le vol de début d'après-midi.

Cependant, le comité du Règlement comptait également recommander la création d'un comité qui aurait, dans une large mesure, fonctionné à la façon d'un comité professionnel. Les diverses sociétés professionnelles ont un tel comité. Quand un membre de la société ne respecte pas certaines normes, le comité exige des explications. C'est ce que devait faire le comité professionnel auquel nous songions, mais ils n'a malheureusement jamais été établi.

Je tiens à mentionner la façon dont ont tient le registre des présences et dont on en communique les données au public, car c'est là que réside une partie du problème. Personne n'a jamais contesté que lorsqu'un sénateur fait partie d'un comité en déplacement, cela revient à être présent aux séances du Sénat. Ce n'est que juste. Si le sénateur fait partie d'une délégation parlementaire à une assemblée de l'Association parlementaire du Commonwealth ou de l'Union interparlementaire, cela aussi revient à être présent aux séances du Sénat. Quand un sénateur est malade et qu'il produit un certificat de maladie, cela ne compte pas comme une absence aux séances du Sénat. Or, l'information communiquée par les services du greffier ne mentionne que les jours passés au Sénat.

Honorables sénateurs, en tant que président du sous-comité des affaires des anciens combattants, j'ai participé aux cérémonies marquant l'anniversaire de la bataille de Vimy et j'ai été considéré comme absent ces jours-là. Je corresponds toujours avec le bureau du greffier pour faire clarifier cette affaire. J'ai dit au greffier que j'en avais assez de sa façon de faire les choses et de la manière avec laquelle son personnel tient les dossiers. Quelqu'un doit s'occuper d'améliorer les choses. Une secrétaire écrit et téléphone sans cesse pour savoir ce que je faisais à la crête de Vimy. Nous leur avons envoyé le programme. Ne savent-ils pas lire? Ne peuvent-ils pas corriger cela?

Le sénateur Gigantès: Ils sont probablement trop jeunes pour savoir ce qu'est la crête de Vimy.

Le sénateur Phillips: Cela fait probablement partie du problème. Ils n'ont probablement même jamais entendu parler de la crête de Vimy, sénateur Gigantès.

Un sénateur qui représente une région rurale est aussi fort en demande. Le leader de mon parti est de Montréal, et je ne crois pas qu'il reçoive tellement d'invitations à participer à des foires commerciales ou à des inaugurations d'immeubles. Toutefois, c'est ce qui arrive à un sénateur représentant une région rurale et on s'attend à ce qu'il soit présent. Il faut tenir compte de cela.

La question est de savoir ce qu'est une affaire publique. Lorsque je suis arrivé ici, j'ai posé la question à Walter Dean, qui était alors directeur de l'administration et du personnel. En homme de bon sens, il m'a répondu ceci: «voici comment je définis une affaire publique: avez-vous été invité à cette cérémonie en tant qu'Orville Phillips? Avez-vous reçu une invitation à cette fonction en tant qu'Orville Phillips? Ou l'avez-vous reçue parce que vous êtes le sénateur Phillips? Êtes-vous allé parce que vous êtes le sénateur Phillips?» Je crois que c'est une façon sensée de définir une affaire publique.

(1340)

Le sénateur Kenny et moi sommes souvent d'accord. J'appuie sa suggestion d'une semaine de travail de cinq jours. Cela permettrait aux comités de se réunir plus longtemps et réduirait le temps réservé au déplacement de ceux qui doivent parcourir de longues distances.

Quand j'ai été nommé au Sénat, il avait la coutume de s'ajourner pour de plus longues périodes. Par exemple, le Sénat ne siégeait pas au cours du débat réservé au budget. Depuis que Paul Martin père a quitté la vie publique, le Sénat se réunit au moment du budget. Je ne comprends pas cela, car nous ne pouvons participer au débat sur le budget avant que des résolutions ne soient introduites en cette Chambre.

Honorables sénateurs, je demande à mes collègues de faire preuve de discrétion. Évitons de nous attaquer les uns les autres lorsque nous parlons aux médias. Ne nous comportons pas comme des poissons qui tentent d'en avaler d'autres. Si nous agissons ainsi, nous allons perpétuer nos problèmes au lieu de les régler.

Le sénateur Rompkey n'est pas ici en ce moment, mais je crois comprendre qu'il a déclaré hier que nous devrions demander à la GRC et à Revenu Canada de mener une enquête sur le sénateur Thompson. Il a, par la suite, nié avoir fait cette déclaration. Lorsque j'ai entendu cela, ma pression artérielle a grimpé au plafond.

Aucun dirigeant politique, du Sénat ou de l'autre endroit, ne devrait demander à la GRC ou à Revenu Canada de mener une enquête sur un individu. Les élus des États-Unis qui ont tenté l'expérience ont essuyé de vives critiques et leur initiative s'est soldée par un échec. Honorables sénateurs, ne nous abaissons pas à réclamer que nos collègues fassent l'objet d'une enquête.

L'honorable Eymard G. Corbin: Honorables sénateurs, je propose l'ajournement du débat.

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, vous plaît-il d'adopter la motion?

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: Est-ce que j'entends des objections?

Le sénateur Corbin: Honorables sénateurs, j'ai proposé l'ajournement du débat, comme c'est mon droit de le faire. La motion peut être rejetée, toutefois, si elle l'est, je prendrai la parole.

Son Honneur le Président: Il n'y a pas de consentement. J'ai entendu certains sénateurs qui s'opposaient à la motion. Je dois donc mettre la motion aux voix.

Honorables sénateurs, que les sénateurs qui sont en faveur de l'ajournement du débat veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Son Honneur le Président: Que les sénateurs qui sont contre l'ajournement du débat veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Son Honneur le Président: À mon avis, les oui l'emportent.

(Sur la motion du sénateur Corbin, le débat est ajourné.)


Visiteurs de marque

Son Honneur le Président: Honorables sénateurs, avant d'accorder la parole à d'autres intervenants, je tiens à signaler la présence de visiteurs à la tribune. Il s'agit d'un groupe de députés à l'Assemblée des Territoires du Nord-Ouest, de Yellowknife. Bienvenue au Sénat.

Le Sénat

Motion visant à exiger la présence du sénateur Thompson-Ajournement du débat

L'honorable Colin Kenny, conformément à l'avis donné le 11 décembre 1997, propose:

Qu'il soit ordonné au sénateur Andrew Thompson de prendre place à son fauteuil au Sénat, lorsque les séances reprendront, en février 1998, après l'ajournement de Noël;

Que, si le sénateur n'est pas présent, la question de son absence prolongée soit renvoyée au comité permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure, qui déterminera si cette absence constitue un outrage au Sénat;

Que, si le comité est obligé d'entreprendre cette étude, il soit autorisé à étudier pour en faire rapport toute question liée à la présence aux séances du Sénat, plus particulièrement en ce qui concerne le sénateur Thompson; et

Que le comité fasse rapport de ses conclusions et de ses éventuelles recommandations dans les deux semaines suivant le renvoi de la question.

- Honorables sénateurs, je serai bref. Le but de cette motion est de donner avis à notre collègue, l'honorable sénateur Thompson, que, à défaut de se présenter au Sénat en février, un renvoi sera fait au comité sénatorial permanent des privilèges, du Règlement et de la procédure.

Je présume que ce comité tiendra ses délibérations en public, car si justice doit être rendue, il faut que la population voie que justice est rendue. Le sénateur Thompson pourra se présenter avec un avocat, s'il le désire, ou il pourra simplement se faire représenter par un avocat. Si le comité détermine que le sénateur Thompson se rend coupable d'outrage au Sénat, il le précisera dans son rapport. Si le Sénat adopte le rapport, le sénateur pourra être expulsé pour le reste de la session, perdant alors ses indemnités et allocations.

(Sur la motion du sénateur Carstairs, le débat est ajourné.)

(Le Sénat s'ajourne au lundi 15 décembre 1997, à 14 heures.)


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